Dans le B2B, rares sont les projets de développement qui ne s’appuient pas sur la promesse de « synergies ». Fusions-acquisitions, diversifications, nouveaux services… cette perspective séduisante de création de valeur vise le fameux « 1 + 1 = 3 ». Mais attention, le gouffre financier n’est jamais bien loin.
Ces synergies fantasmées qui n’existent que sur le papier
Les promesses de synergie sont nombreuses dans le B2B : fusionner deux entreprises pour réduire les coûts, lancer une nouvelle gamme de produits complémentaires, développer une nouvelle activité de service autour de votre solution… à chaque fois, le calcul semble simple : en combinant les forces, on va créer davantage de valeur.
Prenons des exemples concrets. Un gros éditeur de logiciel rachète ou lance un cabinet de conseil pour proposer des services autour de sa solution. Un fournisseur de matériel industriel se lance dans la maintenance. Une ESN spécialisée en développement acquiert une agence marketing digital. Sur le papier, tout est logique : mêmes clients, économies d’échelle, ventes croisées…
À lire également : La règle des 5 minutes dans la stratégie B2B : si vous ne pouvez pas l’expliquer simplement, c’est qu’il y a un problème
Mais la réalité est (comme souvent) un peu plus complexe. Vos commerciaux peinent déjà à maîtriser votre offre principale, et vous voudriez qu’ils en vendent une nouvelle ? Un expert de la vente de solutions IT ne devient pas performant sur du conseil en stratégie digitale du jour au lendemain.
Les économies promises se transforment parfois en (gros) surcoûts. La coordination entre équipes dévore temps et énergie. Les cultures d’entreprise s’entrechoquent. Les processus s’alourdissent pour gérer cette nouvelle complexité. Un exemple ? Quand une PME industrielle ajoute une activité de service, elle doit gérer deux modèles économiques différents, deux types de ressources humaines, deux approches commerciales.
Et la vente croisée ? Encore faut-il que vos offres s’adressent aux mêmes interlocuteurs. Un DSI qui vous fait confiance pour son infrastructure IT ne vous ouvrira pas forcément les portes du marketing. Un responsable maintenance qui apprécie votre matériel n’influencera pas forcément l’achat de vos nouveaux services de conseil.
Plus grave : votre image peut s’embrouiller, se diluer. Le spécialiste respecté devient un généraliste flou. Vos clients ne savent plus ce qui fait vraiment votre valeur ajoutée. Se diversifier n’est pas une erreur en soi. Mais ce choix doit répondre à une vraie logique métier, pas à des synergies théoriques qui brillent surtout dans les présentations PowerPoint.
Les conditions du succès : quand les synergies fonctionnent vraiment
La création de valeur par les synergies n’est pas un mythe absolu : de nombreuses entreprises y parviennent. L’observation de ces succès révèle des points communs qui dépassent largement les simples calculs d’économies d’échelle ou de ventes croisées.
Au cœur des synergies réussies se trouve une véritable complémentarité métier. Prenons l’exemple d’un éditeur de logiciel qui développe une activité de conseil pour un secteur d’activité en particulier : quand ses consultants combinent expertise métier et maîtrise pointue de la solution, ils créent une offre unique sur le marché.
À lire également : Le marketing de coalition : s’allier entre non-concurrents pour conquérir un marché
Ce n’est plus simplement du conseil générique, mais un accompagnement enrichi par une connaissance approfondie des possibilités techniques, avec des cas d’usage et du vécu. Les clients y trouvent une vraie valeur ajoutée que ni un cabinet de conseil classique, ni un intégrateur technique ne peuvent apporter seuls.
Cette logique de complémentarité doit s’ancrer dans une compréhension fine de l’écosystème client. Les synergies les plus performantes s’appuient sur des connexions naturelles entre les besoins. Un fournisseur industriel qui développe des services prédictifs à partir des données de ses machines ne fait pas que diversifier son offre : il exploite sa position pour résoudre des problèmes critiques de ses clients. La maintenance prédictive devient le prolongement logique de la qualité de ses équipements.
La dimension temporelle joue également un rôle décisif. Les entreprises qui réussissent leurs synergies acceptent d’investir dans une transformation progressive plutôt que d’espérer des résultats immédiats. Elles consacrent le temps nécessaire à la formation des équipes, à l’évolution des processus et à l’alignement des cultures d’entreprise. Cette patience permet d’éviter l’écueil classique du « choc des cultures » qui fait échouer tant de projets prometteurs sur le papier.
La gestion des talents constitue un autre facteur déterminant. Les synergies réussies s’appuient sur des équipes qui savent collaborer au-delà de leurs expertises d’origine. Et ça passe par le recrutement et la formation de profils hybrides et polyvalents, capables de faire le pont entre différents métiers. Un commercial ne devient pas expert en conseil du jour au lendemain, mais il peut apprendre à identifier les opportunités pertinentes et à mobiliser les bonnes ressources au bon moment.