C’est sous le soleil généreux de Marrakech que les leaders du B2B se sont retrouvés à l’occasion de la 8e édition des Rencontres Internationales du Marketing et de la Vente. Comme à l’accoutumée, l’événement ultra-sélectif a permis aux décideurs d’échanger autour de leurs problématiques, de mettre en lumière de nouvelles pratiques, de partager leurs expériences et de discuter des perspectives de la pratique commerciale et marketing dans un monde où l’incertitude devient le « New Normal ».
En totale immersion pendant trois jours dans un cadre exceptionnel et dépaysant, les top décideurs de l’écosystème B2B ont notamment exploré trois thématiques phares à l’occasion des tables rondes : la transformation digitale au service de la performance marketing, la décennie des Sales (entre pénurie de commerciaux et nouvelles exigences de l’acheteur B2B), puis les leviers à actionner pour retrouver de la croissance.
BtoB Leaders vous propose une série d’articles pour revenir sur les temps forts des débats. Pour ce premier épisode, nous vous proposons une immersion dans la table ronde suivante :
- Thème: la transformation digitale au service de la performance marketing et commerciale : quel bilan et quelles perspectives ?
- Participants: François Pichon, Senior Marketing Manager SEMEA chez Seismic, Jean-Claude Pitcho, Head of International Markets chez Ibexa, et Mikaël Priol, Fondateur de Netlinking.fr.
Sommaire
#1 L’appétence du marketeur pour la MarTech
« Aujourd’hui, l’art de construire la marque, les prospects et les clients ne peut être séparé du choix des outils et du stack technologique » (étude « Replacement Survey » de MarTech Series). Mais l’engouement pour l’outil verse parfois dans l’archaïsme et la boulimie. En 2020, 67 % des marketeurs ont remplacé au moins une solution marketing centrale. Aussi, seuls 2 % des marketeurs B2B prévoient de réduire leur stack technologique à moyen terme.
Qu’est-ce qui explique donc cette appétence sans précédent pour l’outil marketing ? Pour François Pichon, Senior Marketing Manager SEMEA de Seismic, il s’agit à la fois d’une course à l’innovation et de la manifestation d’un malaise dans la pratique marketing. Le B2C a montré la voie, avec l’ingénierie de ciblage personnalisé déployée voilà plus de 15 ans. « Le B2B a emboîté le pas mais sur des volumes plus restreints avec les notions de persona ». François Pichon a également rappelé l’explosion de l’offre, puisque le nombre de solutions MarTech est passé de 150 en 2011 à plus de 10 000 aujourd’hui (source).
D’un autre côté, le marketeur se demande s’il sera remplacé par une IA ou un robot. Il utilise donc des outils d’automatisation pour se décharger des « tâches mineures » et se focaliser sur la stratégie.
François Pichon rappelle que ces technologies ne portent pas forcément leurs fruits sur le court terme, qu’il s’agisse de Customer Data Platforms (CDP), d’Account-Based Marketing (ABM), d’Inbound Marketing, etc. « Il faut du temps pour montrer le ROI et l’impact business… mais beaucoup de CMOs et CDOs sont dans le temps court, au trimestre », explique-t-il. D’ailleurs, le mandat moyen d’un CMO tourne autour de deux ans.
« Je crois que le marketeur B2B ne peut pas se cacher derrière ses outils pour expliquer une contre-performance. Il doit au contraire mieux s’aligner avec ses clients internes (Sales et GTM) pour utiliser au mieux sa ‘machinerie’ marketing, à grande échelle, en se nourrissant des données », conclut François Pichon.
#2 Quels sont les points de vigilance dans un projet de transformation digitale ?
En somme, comment construire son stack technologique en accord avec sa stratégie ? Jean-Claude Pitcho, Head of International Markets chez Ibexa, identifie quatre déterminants clés dans un projet de transformation digitale :
- La maturité digitale ;
- Le capital marque ;
- La complexité des produits commercialisés ;
- La complexité de l’écosystème.
Ces quatre sujets déterminent largement la vitesse de la transformation digitale et constituent donc quatre points de vigilance dans la première phase stratégique du projet. La phase technologique n’intervient que dans un deuxième temps. Elle vient apporter des outils qui peuvent lever des blocages liés à ces quatre déterminants, ou bien accélérer leur prise en compte.
A lire également sur BtoB Leaders : L’inévitable convergence entre l’ABM et la DemandGen classique
#3 Data : le marketing face à un environnement turbulent
Selon Gartner, 65 % des entreprises du B2B passeront à un modèle décisionnaire 100 % Data-Driven à l’horizon 2026 (voir notre article sur le sujet). Mais l’environnement de la Data n’a jamais été aussi turbulent : disparition imminente des cookies tiers (du navigateur Google Chrome), position plus offensive de la CNIL (qui a épinglé l’utilisation de Google Analytics pour violation du RGPD), reprise des négociations autour de la réglementation ePrivacy II qui devrait compléter le RGPD… Comment les marketeurs B2B se préparent-ils à ces bouleversements ?
Pour Jean-Claude Pitcho d’Ibexa, la maturité digitale des pays d’implantation joue beaucoup. « Je vois des différences considérables entre les marchés mûrs comme l’Allemagne, les Etats-Unis, les Pays-Bas et les pays nordiques, et les autres. J’estimerai ce décalage à 3 à 4 ans ». Dans les marchés matures, la transformation est perçue comme un impératif de croissance internationale et un outil de prise de parts de marché, avec des budgets d’investissement élevés et validés par la DG. Jean-Claude Pitcho donne l’exemple des PME du Mittelstand allemand (€100M de CA) qui investissent plus d’un million d’euros dans des projets de digitalisation de leur canaux de vente.
Dans les marchés moins mûrs, à taille d’entreprise égale, on observe des équipes digitales beaucoup plus réduites, une DG beaucoup moins impliquée et des budgets d’investissement dix fois moindres. « Ma crainte est que cela se traduise par de grosses différences de compétitivité dans les années à venir », conclut Jean-Claude Pitcho.
#4 SEO : comment faire « surfacer » son contenu à l’ère de l’infobésité ?
Google a récemment déployé l’algorithme Helpful Content Update (septembre 2022). Objectif : pénaliser les sites web qui proposent un contenu spécialement créé pour performer sur les moteurs de recherche dans le seul but de « ranker ». Plus largement, la visibilité sur Google se détache des critères techniques pour aller davantage vers l’utilité, la lisibilité et l’expertise.
Comment les entreprises peuvent-elles être entendues dans le magma de contenus ? Mikael Priol, Fondateur de Netlinking.fr, explique : « Google retire de son index 40 milliards de pages de spam chaque jour. La difficulté, c’est de plaire en même temps à deux lecteurs qui n’ont pas tout à fait les mêmes attentes : l’internaute et le moteur de recherche. Stratégie éditoriale et organisation des contenus, une idée par page et une page par idée, la taille idéale, le bon score d’optimisation, etc. ».
#5 Le contenu et l’alignement Sales – Marketing
La quantité des contenus consommés par les professionnels du B2B a doublé pendant la pandémie (Seismic). S’ils ont gagné en autonomie, les acheteurs B2B n’en restent pas moins déstabilisés par la quantité du contenu accessible autour de leur problématique (Gartner). Quel bilan tirer de la décennie du Content Marketing ?
Dans le B2B, le contenu est devenu roi, voire empereur
Pour François Pichon de Seismic, le contenu a largement consolidé sa place dans l’écosystème B2B dans les dernières années. « Le contenu est devenu roi, empereur même. C’est l’essence dans le moteur ». Il est désormais multiformat, multicanal, adaptable, reconfigurable, personnalisable.
La création de contenu est logiquement devenue complexe car il faut trouver le bon contenu, au bon moment, le diffuser sur le bon canal et dans le bon contexte. « Les nouvelles technologies permettent de rationaliser ces décisions, mais à condition de revenir aux fondamentaux : la cible, ses intérêts, ses défis et ses canaux d’écoute », poursuit François Pichon.
Mikael Priol de Netlinking.fr rappelle par ailleurs que le contenu, aussi bon soit-il, doit être visible pour performer. Le Content Marketing doit intégrer cette variable pour atteindre ses objectifs, avec une composante technique portée par l’optimisation sémantique, le netlinking, etc.
Les commerciaux, mal servis en contenu
Selon une étude Sirius Decision, 65 % du contenu marketing n’est jamais utilisé par les commerciaux. D’ailleurs, « l’utilisation du contenu marketing » reste le principal axe d’amélioration pour 81 % des responsables commerciaux selon Spotio. Mais pourquoi les commerciaux boudent-ils les contenus créés par le marketing ?
« Les commerciaux souhaitent que le marketing leur fournisse un storytelling personnalisé et adapté au marché, aux problématiques métier des prospects et des clients », explique François Pichon de Seismic. Les contenus trop génériques ne sont pas utilisés par les commerciaux… avec donc une perte sèche sur la création de contenus. Pour François Pichon, il est capital de pouvoir mesurer efficacement :
- Quels contenus marketing sont utilisés par les commerciaux ;
- Comment les commerciaux réagissent-ils à ces contenus.
« Il s’agira de nourrir le marketing de ces données pour mieux piloter la stratégie de création et de diffusion de contenus… un véritable cercle vertueux ! ».
#6 Transformation digital B2B : quelle place pour le e-commerce ?
En 2021, le e-commerce a généré 18 % de l’ensemble des revenus du B2B selon McKinsey. C’est autant que la vente en face-à-face et plus que l’email (14 %), la visioconférence et le téléphone (13 %).
En France, 31 % des acheteurs B2B (grandes entreprises et entreprises de taille intermédiaire) affirment que la « facilité à passer commande en ligne » est désormais un critère important dans le choix d’un fournisseur (FEVAD). Quelles sont les grandes différences entre e-commerce B2B et e-commerce B2C ? Quelle place le e-commerce occupe-t-il dans la transformation digitale B2B ?
« Petit retour aux sources : le commerce B2C concerne des produits qu’on peut mettre dans un panier ou dans un chariot, ce qui est rarement le cas d’un produit ou service B2B », rappelle Jean-Claude Pitcho d’Ibexa. Et de rappeler quelques différences majeures :
- 80 % des acheteurs B2B pourraient changer de fournisseur pour une meilleure expérience digitale, surtout s’ils sont « digital natives » ;
- 43 % des commerciaux B2B n’arrivent pas à présenter leurs produits « de manière digitale », d’où le fameux « Buyer-Seller Gap » ;
- Les participants au processus d’achat B2B comprennent 10 à 20 personnes et utilisent une dizaine de canaux d’achat (Gartner).
« Dans ce contexte, on se rend compte que la relation prime, ou au moins préempte la transaction », poursuit Jean-Claude Pitcho. L’erreur serait de passer directement au B2B commerce sans passer par les étapes intermédiaires de la transformation B2B :
- Etablir la marque sur tous les marchés visés (Brand Equity) ;
- Faciliter les recherches de produits (Product Finder, Store Locator) ;
- Construire un écosystème de l’échange d’informations (Customer Portals, Partner Portals) puis de la négociation (Sales Rooms) pour enfin aboutir à une transaction en ligne (B2B Commerce).
Jean-Claude Pitcho estime ce processus à deux à trois ans selon la maîtrise des déterminants clés.
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