Dans les jours qui ont suivi le limogeage de Sam Altman de la présidence d’OpenAI le 17 novembre, les réactions au sein de l’entreprise et dans le milieu de la tech ont été particulièrement virulentes, certains évoquant même un coup d’État.
Manifestement, Altman était plutôt apprécié des équipes d’OpenAI, et son licenciement a été qualifié de « démarche erratique du conseil d’administration » par des employés anonymes, qui ont notamment évoqué « une décision idéologique ».
Mais au cours des dernières semaines, de nouveaux détails ont émergé sur les motivations réelles de la décision du conseil… un conseil qui a d’ailleurs rapidement rétropédalé pour réintégrer Altman. On fait le point…
Sommaire
Sam Altman : un fin stratège parfois vicieux et calculateur
Les dernières révélations qui ont émergé dans la presse spécialisée dressent le portrait d’un Sam Altman stratège aguerri, habile, parfois vicieux et calculateur, manipulant les membres du conseil d’administration afin de « diviser pour mieux régner ». Rappelons que dans le communiqué suivant le limogeage, OpenAI expliquait qu’Altman « n’a pas toujours été transparent dans ses échanges avec le conseil ».
Selon des indiscrétions dévoilées par nos confrères Business Insider, le conseil faisait allusion à la manie d’Altman d’opposer les membres du conseil les uns aux autres, en particulier ceux qui n’hésitaient pas à exprimer leur désaccord avec son approche agressive de développement et de déploiement des solutions d’Intelligence Artificielle générative, compte tenu de la menace potentielle que cette technologie représente pouvait représenter en matière de confidentialité, de droits d’auteurs, de sécurité, d’emploi, etc.
Business Insider explique que le licenciement d’Altman était surtout motivé par deux conflits majeurs.
Sam Altman vs. Helen Toner
Altman et Helen Toner, membre du conseil d’administration d’OpenAI, n’étaient pas toujours sur la même longueur d’onde. Et c’est le moins que l’on puisse dire.
En octobre 2023, Toner, qui est également chercheuse affiliée à un Think Tank de l’Université de Georgetown, a publié un article flatteur envers Anthropic, concurrent direct d’OpenAI, louant une « décision responsable » de retarder la sortie de son chatbot IA, Claude, tout en critiquant la mise en marché précipitée de ChatGPT par OpenAI.
Altman aurait reproché cette prise de position publique de Toner, lui signalant qu’elle pourrait causer des problèmes graves avec la Federal Trade Commission qui menait déjà une enquête sur OpenAI, selon les informations du New York Times.
Toner a alors proposé de formuler des excuses officielles au conseil d’administration d’OpenAI, mais Altman avait déjà envoyé un mail aux dirigeants d’OpenAI pour leur parler du « cas Toner » : « Je ne pense pas que nous ayons la même perception des dommages causés par la prise de position de Toner », aurait-il dit selon le Times.
Plutôt que de demander le limogeage de Toner, Altman a informé d’autres membres du conseil d’OpenAI que Tasha McCauley, membre du conseil, entrepreneur tech de renom et scientifique émérite à la RAND Corporation, souhaitait l’éviction de Toner. McCauley a par la suite démenti ces affirmations, les qualifiant de « totalement fausses » devant les autres membres du conseil.
Sam Altman vs. Ilya Sutskever
La relation entre Sam Altman et Ilya Sutskever, directeur scientifique d’OpenAI et ancien membre du conseil d’administration, était particulièrement tendue, avec des divergences majeures sur la stratégie et la vision globale.
Sutskever était perçu au sein d’OpenAI comme un « visionnaire » de l’Intelligence Artificielle, à la Steve Jobs,avec une approche rigoureuse et académique qui n’était pas toujours compatible avec celle d’un ingénieur comme Altman, comme le rapporte Business Insider. Sutskever craignait qu’Altman ne pousse OpenAI à développer ses technologies trop rapidement, sans garde-fou, lui qui plaidait pour une démarche beaucoup plus prudente et mesurée.
Au fil des semaines, Sutskever ne cachait plus sa frustration de se voir progressivement exclu des décisions stratégiques, notamment relatives au projet ChatGPT 5, mais aussi concernant l’évolution d’OpenAI à moyen et long terme.
L’affaire a pris une tournure décisive en octobre, lorsqu’Altman a promu un autre chercheur à un poste similaire à celui de Sutskever, et ce dernier y a vu une perte d’influence au sein de la société. En réaction, il a évoqué auprès des autres membres du conseil d’administration la possibilité de sa démission, un geste interprété par ces derniers comme une mise en demeure pour « choisir entre lui et Altman », toujours d’après le New York Times.
Altman contre… tous les autres
Les membres du conseil d’administration issus du monde associatif et académique ne se retrouvaient pas dans l’approche d’Altman, qu’ils considéraient « typique de l’exécutif tech prônant la rapidité d’action quitte à casser les codes », a rapporté le New Yorker. « Ils pensaient que Sam avait menti », a confié une source proche des discussions du conseil.
Le ressentiment envers Altman était tel que les autres membres ont gardé le secret sur son limogeage imminent pour « éviter qu’il ne fasse tout pour saper le conseil ».
Lors d’une réunion avec le personnel d’OpenAI, deux jours après l’éviction d’Altman, Sutskever a révélé que le conseil avait justifié la décision par deux facteurs : Altman aurait manipulé le conseil en évaluant différemment la même personne en fonction de son interlocuteur, puis en confiant le même projet à deux personnes différentes tout en leur intimant de le garder secret.
Altman lui-même n’a pas nié avoir eu des difficultés avec le conseil avant son départ. « Il est clair qu’il y avait de véritables malentendus entre moi et certains membres du conseil », avait-t-il écrit sur X, un peu moins de deux semaines après son éviction.
Altman redevient l’homme fort d’OpenAI
Altman n’a pas abordé publiquement ces accusations, mais lors d’une interview avec Trevor Noah il y a une semaine, il a admis qu’il fallait rééquilibrer le conseil d’administration, par exemple en augmentant le nombre de voix préoccupées par la sécurité de la technologie développée par OpenAI. « Je veux avoir une deuxième chance pour rectifier tout cela. Et il est évident que nous avons fait des erreurs auparavant », a-t-il déclaré à Noah.
Le fait que l’éviction d’Altman ait été de si courte durée suggère qu’il bénéficiait du soutien de l’organisation dans son ensemble. Rappelons que le personnel de l’entreprise avait écrit une lettre de soutien, agitant la menace d’une démission générale si Altman n’était pas réintégré.