On présente souvent l’innovation comme la voie royale vers la performance commerciale. Pourtant, celui qui arrive en premier sur le marché n’est pas forcément celui qui finit devant. Il y a une catégorie d’entreprises qui prospèrent par la stratégie du Fast Follower. Il s’agit d’identifier un produit pionnier, pour rapidement l’améliorer sur le plan technique, tarifaire et/ou marketing.
Parfois, cette approche apporte un bien meilleur rapport risque-rentabilité que la course à l’innovation à tout prix. Mais encore faut-il savoir identifier le bon pionnier à suivre. Décryptage…
Arriver en premier ne garantit pas la victoire : pourquoi l’innovateur peut se faire doubler
On célèbre spontanément ceux qui arrivent les premiers sur le marché. Et c’est plutôt mérité : cette prise de risque pour ouvrir une voie nouvelle demande de l’audace. Mais soyons honnêtes : être pionnier, c’est aussi être celui qui essuie les plâtres. C’est encaisser seul des erreurs que personne ne pouvait prévoir avant de se confronter vraiment à la réalité du terrain sur le produit « inventé ». En clair, le premier à lancer un produit sur le marché n’est pas toujours celui qui en tirera les plus gros bénéfices à l’arrivée.
Le pionnier supporte seul les coûts d’apprentissage. Il lance son offre, la voit testée en conditions réelles et réalise souvent (trop tard) qu’il aurait dû mieux cibler, mieux pricer (à la hausse comme à la baisse), mieux expliquer sa valeur, mieux prévoir, etc. Et il devra ajuster le tir en plein Go-to-Market, avec tout ce que ça implique en termes de coût (et de stress).
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Pendant ce temps, les fast followers sont déjà dans les starting blocks. Et eux, ils ne partent pas d’une feuille blanche. Ils vont plutôt faire du reverse engineering en détricotant le produit pour mieux le construire. Ils prennent le temps d’observer l’accueil réservé au produit pionnier, et d’identifier très précisément ce qui coince côté clients.
Ce recul leur permet d’éviter les pièges dans lesquels l’innovateur est tombé. Eux arrivent en seconde position avec un produit déjà ajusté, optimisé sur la base des retours réels du marché, tout en économisant au passage une bonne partie des frais de R&D et d’apprentissage.
Évidemment, le meilleur fast follower ne va pas forcément prendre la place du pionnier. Mais il peut tout à fait se faire une place à ses côtés et bénéficier d’un marché déjà évangélisé, déjà défriché. Et si le suiveur est fort sur l’opérationnel (logistique sans faille, qualité constante, service client réactif), il fera bien plus que coexister avec l’innovateur qui, lui, est encore occupé à corriger « ses erreurs de jeunesse ».
Le fast follower ne copie pas : il réplique, en plus intelligent (ou plus malin)
Copier un produit peu ou moyennement technique, c’est généralement jouable. Faire mieux, c’est une autre histoire. Les meilleurs fast followers ne se contentent jamais d’imiter bêtement : ils déconstruisent méthodiquement le produit pionnier pour comprendre précisément :
- Comment il fonctionne ;
- Pourquoi il fonctionne ;
- Mais surtout pourquoi il ne fonctionne pas aussi bien qu’il le pourrait.
Tout est dans la troisième question. Plutôt que d’investir sur une innovation incertaine, le Fast Follower va plutôt identifier et évaluer la faisabilité des ajustements qui peuvent faire la différence (prix inférieur, meilleure performance, voire simplement une meilleure approche de communication). En somme, une version optimisée de l’idée de base.
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C’est toute la subtilité de l’approche fast follower. Ce qui le différencie du copieur, c’est qu’il capitalise sur l’idée (et l’investissement) du pionnier et exploite ses angles morts pour construire une offre potentiellement plus performante.
4 critères pour identifier un produit à « fast follower »
1. Le produit est réplicable avec vos moyens internes
C’est la condition de base : inutile de suivre une innovation trop éloignée de votre savoir-faire ou hors de portée de vos ressources internes.
L’offre visée doit reposer sur des compétences maîtrisées par vos équipes ou sur des technologies accessibles à court terme (par une formation rapide ou un partenariat). Le bon fast follower ne court jamais après ce qu’il ne sait pas faire : il mise au contraire sur son périmètre pour répliquer intelligemment. N’oubliez pas : c’est votre expertise qui vous permettra d’identifier les améliorations à apporter.
2. Le pionnier a déjà validé l’intérêt du marché (premiers clients acquis)
Assurez-vous que le pionnier a dépassé le stade du concept et que des entreprises paient déjà pour utiliser son offre. Allez vérifier directement ses références clients sur son site, son fil LinkedIn ou ses derniers communiqués de presse.
Si l’information n’est pas disponible, il faudra faire de la business intelligence, par exemple en vous passant pour un prospect qui demande des références clients pour se rassurer. Chacun jugera du procédé sur le plan éthique.
3. Vous avez identifié des failles exploitables sur le produit
Ces failles ne seront visibles que si elles se situent dans votre périmètre d’expertise. Sinon, vous risquez de ne rien voir, ou pire, d’identifier des problèmes qui n’existent pas et d’aller sur une mauvaise piste qui vous coûtera de l’argent (et votre réputation).
Concrètement, testez le produit comme si vous étiez vous-même client, analysez les retours utilisateurs disponibles (avis négatifs, plaintes récurrentes sur LinkedIn), ou contactez directement des entreprises qui l’utilisent déjà.
Les leviers d’amélioration à identifier peuvent être :
- Techniques : ajout ou optimisation de fonctionnalités ;
- Économiques : réduction des coûts de production pour baisser le prix et challenger le pionnier sur ce point ;
- Marketing : meilleur discours commercial ou stratégie d’acquisition plus efficace.
Et si vous arrivez à travailler sur les trois leviers en même temps, c’est le jackpot !
4. Vous êtes capable de verrouiller rapidement une partie du marché avant que d’autres suiveurs n’arrivent
L’intérêt d’être fast follower, c’est de tirer profit d’un marché que le pionnier a déjà commencé à défricher. Mais vous n’êtes sûrement pas le seul à avoir identifié cette opportunité. Vous devez vous assurer que votre équipe commerciale peut rapidement générer quelques Quick Wins, notamment en signant quelques contrats cadres. Objectif : décourager ou, à minima, compliquer la tâche des suiveurs.
Comment savoir si vous en êtes capable ? Si vous avez déjà une relation privilégiée avec certains prospects, un bon réseau ou une force de vente active et prête à vous suivre sur cette nouvelle offre, vous pouvez y aller.