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La guerre du narratif : pourquoi la meilleure histoire bat (souvent) le meilleur produit

Les produits qui cartonnent ne s’imposent pas forcément par leur supériorité technique. Ça se saurait ! Dans un marché où les technologies convergent et où les écarts de performance se résorbent progressivement, il faut d’abord exister dans le débat (et les esprits) avant d’avoir le droit d’être comparé à la concurrence sur la fiche technique. Et c’est ici que le narratif entre en jeu…

La suprématie du récit ou la supériorité du produit ?

Le marché n’est pas une compétition rationnelle entre produits, c’est une bataille d’interprétations. Même dans le B2B. Ce qui fait le succès d’un produit, ce n’est pas seulement sa qualité ou sa performance. C’est aussi la grille de lecture à travers laquelle il est perçu. Et ce cadre doit être construit, façonné et imposé par ceux qui savent structurer le bon narratif.

Les échecs les plus spectaculaires concernent rarement des produits foncièrement mauvais. Betamax était techniquement supérieur au VHS, mais Sony a vendu une fiche technique quand JVC a vendu une vision du divertissement familial. Windows Mobile proposait bien avant Apple un OS mobile parfaitement opérationnel et de haut niveau, mais il racontait une histoire d’outils professionnels quand l’iPhone imposait une réinvention du téléphone pour tout le monde.

Le narratif est pensé pour séduire et être mémorisé. Mais lorsqu’il parvient à fixer les règles du jeu, c’est que le strike n’est pas loin. Il définit ce qui est important et ce qui devient secondaire. Il oriente l’attention vers les critères qui avantagent le produit et marginalise ceux qui pourraient le desservir.

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Ce mécanisme explique aussi pourquoi certains produits échouent malgré une promesse forte. Ce n’est pas leur qualité qui est en cause, mais l’absence d’un récit qui leur donne du sens dans l’esprit du marché.

L’exemple Clubhouse : le narratif dilué par des cas d’usage trop larges

Clubhouse est un bon exemple : l’application a explosé sur la promesse d’une nouvelle façon de converser par audio, mais elle n’a jamais structuré un narratif clair sur son usage, sa place dans le quotidien ou son impact sur la communication :

  • Était-ce une alternative aux podcasts ?
  • Un réseau social centré sur la voix ?
  • Un espace de networking pour experts ?
  • Une plateforme de débats interactifs ?

On sent que rien n’a vraiment été tranché en interne. Le narratif a été dilué. L’application est donc restée un phénomène de mode sans cadre de référence stable. Pendant ce temps, Twitter (avec Spaces), Discord et même Spotify ont intégré des fonctionnalités similaires pour capter l’usage sans que Clubhouse ne parvienne à défendre sa singularité.

Un produit peut être excellent, arriver dans un bon parfait, mais sans un récit structurant, le marché peine à comprendre pourquoi il est indispensable.

Dans les comités d’achat B2B, le narratif infiltre la rationalité

L’illusion d’un processus d’achat purement rationnel est tenace dans le B2B. Certes, les comités d’achat, les matrices de scoring et les appels d’offres laissent penser que seule la performance objective tranche le débat.

Mais dans les faits, bien avant que le produit ne soit évalué sur ses fonctionnalités et son ROI, il doit exister dans l’esprit des décideurs. Et ce qui met un produit sur la table des discussions, ce n’est pas sa fiche technique. C’est le récit qui l’entoure.

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L’acheteur B2B ne passe pas son temps à comparer exhaustivement tous les fournisseurs possibles. Il ne sait même pas qu’un produit existe tant qu’il n’a pas croisé son nom dans une conversation, une conférence, un article ou une étude de cas. Et c’est le narratif qui fait ce premier ancrage. Il donne une existence au produit bien avant que le besoin ne soit exprimé, bien avant que la shortlist ne soit établie. Sans ce travail en amont, le produit peut être objectivement le meilleur et ne jamais être envisagé, simplement parce que personne ne l’a évoqué de manière mémorable dans la discussion.

Et même au stade final de la décision, où tout semble se jouer sur des comparaisons chiffrées, le narratif continue d’influencer. À fonctionnalités (grossièrement) comparables, le choix bascule souvent sur une vision de la trajectoire du fournisseur, une confiance dans son futur, une perception de solidité… et une séduction inconsciente. Comme disent certains commerciaux, « la vente, c’est de la drague ». On cherche aussi à faire chavirer les cœurs. Et les chiffres ne font pas chavirer les cœurs.

La règle des 95-5 : comment le narratif prépare le pipeline sur le long terme

La réalité du business, c’est que seule 5 % de votre cible idéale est en phase active d’achat au moment « M ». Même s’ils répondent à votre profil de client idéal, les 95 % restants ne sont tout simplement pas dans un cycle d’acquisition. Ils ont d’autres problèmes à régler, d’autres priorités.

C’est l’effet des cycles longs : on ne change pas de CRM, de machine de PC, de machine de production, de solution de Sales Enablement ou d’infrastructure Cloud tous les quatre matins. Une entreprise qui achète un ERP aujourd’hui n’en changera probablement pas avant 7 ou 8 ans. Un responsable IT qui renouvelle son parc informatique travaille avec un horizon de 3 à 5 ans.

Et quand l’acheteur se met activement en recherche, son choix est souvent déjà influencé par ce qu’il a absorbé au fil des mois ou années précédentes. Et c’est ici que le narratif prend tout son sens. L’entreprise qui impose un cadre de réflexion aujourd’hui influence les décisions d’achat de demain.  

La bataille du B2B se remporte sur les appels d’offres et les comparatifs techniques, mais aussi sur l’ancrage mémoriel.

Le narratif est un maillage progressif d’arguments, de validations et de preuves

Si Zscaler ou Palo Alto Networks avaient simplement affirmé que « le VPN est mort, place au SASE », sans créer un environnement narratif structuré, personne ne les aurait pris au sérieux. Ce qui façonne réellement le marché, c’est la répétition d’un message à travers plusieurs canaux, sur une période longue, avec des relais crédibles et des preuves progressives :

  1. Des publications en recherche et en veille technologique qui démontrent pourquoi le VPN montre ses limites en matière de cybersécurité (latence, mauvaise scalabilité) ;
  2. Des études de cabinets de renom qui légitiment la rupture et classent les solutions SASE comme un « must-have » à horizon 3-5 ans (Gartner et Forrester, pour ne pas les nommer) ;
  3. Des prises de parole de leaders d’opinion (DSI, RSSI, analystes, éditeurs de solutions) qui intègrent cette vision dans leurs recommandations et leurs conférences ;
  4. Des retours d’expérience clients qui montrent que ceux qui sont passés sur un modèle SASE ont gagné en sécurité et en performance = créer une norme implicite.

Le narratif qui pèse sur le marché, c’est avant tout un maillage progressif d’arguments, de validations et de preuves qui construisent une nouvelle évidence…

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