L’objection est probablement l’un des outils les plus puissants dans le management. Lorsqu’elle est maniée avec tact et formulée dans les règles de l’art, elle vient challenger les idées, éviter des erreurs potentiellement coûteuses, sécuriser la prise de décision et stimuler l’intelligence collective des équipes. C’est un garde-fou absolument essentiel contre la pensée de groupe et « le pilotage automatique ».
Mais elle reste un exercice délicat, avec le risque d’un effet pervers si l’objection souffre d’un problème de timing, de registre de langue ou de contexte. Certains managers ont les bons réflexes et peuvent formuler des objections audibles, qui ne froissent pas. D’autres doivent faire ce travail de conscience et de réflexion pour protéger la légitimité de cet acte managérial.
Dans cet article, la rédaction revient sur les trois mauvaises pratiques qui minent l’efficacité de l’objection et qui entachent le leadership du manager.
#1 L’objection prématurée : quand on s’oppose avant d’avoir écouté
Elle interrompt brutalement l’exposé de l’interlocuteur avant qu’il n’ait terminé sa démonstration. Elle surgit dès les premiers mots, coupe la parole au milieu de la phrase ou conteste un bout d’idée. L’interlocuteur n’a pas le temps de formuler un raisonnement. Et quand bien même l’idée serait (effectivement) bancale, le fait de la tuer dans l’œuf peut décourager ceux qui ont de bonnes idées.
Cette précipitation révèle chez le manager une impatience qui nuit forcément à son leadership. Elle trahit soit une certitude excessive qui le pousse à juger avant d’avoir entendu, soit une anxiété qui l’empêche de supporter l’incertitude le temps d’une explication. Dans certains cas, elle peut aussi signaler un besoin de domination qui déplace systématiquement la discussion sur le terrain du rapport de force.
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Elle va mécaniquement décourager la prise d’initiative : pourquoi préparer une présentation ou construire un raisonnement rigoureux si mon supérieur va m’interrompre dès la troisième slide ?
Vous êtes adepte de l’objection prématurée si vos interventions commencent par :
- « Non, mais attends… »
- « On va gagner du temps, ça ne marchera pas… »
- « Stop, je vois où tu veux en venir… »
- « Je t’arrête tout de suite… »
- « Avant même que tu continues… »
- « Déjà, il y a un problème… ».
💬 Mais que faire si l’on repère une erreur factuelle dès les premières minutes ? |
Tout dépend du degré d’impact de l’erreur sur le sujet traité. Si l’erreur est mineure ou sans conséquence sur le fond, mieux vaut la laisser passer. Si elle est impactante, attendez le premier jalon clair de la présentation pour revenir dessus sans bloquer le reste : « Avant d’aller plus loin, je voudrais qu’on clarifie un point. ». Et si elle remet en cause l’ensemble de la logique, vous pouvez proposer au collaborateur du temps supplémentaire pour revoir son idée ou sa présentation. |
2. L’objection tardive : quand on réagit trop tard
L’objection tardive arrive après que les décisions ont déjà été prises, les budgets alloués, les équipes mobilisées ou les actions déjà lancées. Elle remet en cause un processus déjà avancé au moment où il devient coûteux, voire impossible de faire marche arrière.
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Cette réaction décalée peut s’expliquer par trois éléments :
- Elle peut révéler un manque de concentration pendant les échanges : le manager était physiquement présent mais mentalement ailleurs, et ne réalise qu’après coup les implications de ce qui s’est décidé ;
- Elle peut aussi trahir une posture d’inspecteur des travaux finis qui attend de voir les premiers résultats négatifs pour enfin exprimer ses réserves, alors qu’il aurait pu (ou dû) les anticiper ;
- Dans certains cas, elle signale une incapacité à faire face aux collaborateurs : le manager n’ose pas s’opposer pendant la réunion et formule son objection par email le lendemain.
Cette attitude peut être perçue dans l’équipe comme un manque de compétence, une forme de lâcheté managériale ou, pire, comme une stratégie cynique pour se dédouaner en cas d’échec.
Vous pratiquez probablement l’objection tardive si vous dites :
- « En fait, j’ai réfléchi et je ne suis pas d’accord… »
- « Après mûre réflexion, je pense qu’on fait fausse route… »
- « Je n’ai pas osé le dire en réunion, mais… »
- « Maintenant que je vois le résultat… »
- « J’aurais dû vous le dire plus tôt, mais… »
💬 Que faire si on se rend compte de l’erreur après coup ? |
Si vous réalisez a posteriori que vous auriez dû objecter, assumez clairement votre responsabilité dans le verbatim. Évitez les formules qui rejettent la faute sur les autres ou qui réécrivent l’histoire comme « Je voulais le dire avant mais… » ou « Je vous l’avais dit… ». Préférez : « Je me suis trompé, j’aurais dû voir/soulever ce point plus tôt ». Cette transparence préserve votre crédibilité et montre votre capacité à assumer vos erreurs de jugement. |
3. L’objection dans le mauvais contexte : quand le lieu ou l’audience dessert votre message
Certaines objections ne sont pas problématiques dans le fond, mais le contexte dans lequel elles sont formulées les rend contre-productives. C’est souvent une question de lieu ou d’audience. Une remarque tout à fait pertinente peut devenir embarrassante, vexante ou stérile simplement parce qu’elle est exprimée devant les mauvaises personnes ou, parfois, simplement parce qu’elle intervient en public.
Cette erreur de contexte révèle chez le manager une faible intelligence situationnelle. Elle traduit une incapacité à lire les rapports de force, à anticiper l’impact émotionnel de son intervention ou à distinguer les moments propices au débat des situations qui nécessitent de la retenue, voire du support. Dans certains cas, elle peut aussi signaler une forme d’impulsivité qui privilégie l’expression immédiate du désaccord au détriment des conséquences à long terme :
- L’objection en public sur un sujet sensible, qui met en difficulté le collaborateur devant le client, les partenaires ou l’équipe, alors qu’un échange en aparté aurait permis de mieux recadrer ;
- L’objection hiérarchique mal dosée, comme le fait de contredire un associé ou un supérieur dans une réunion externe sans avoir préparé le terrain ou mesuré l’impact sur l’image ;
- L’objection par procuration, qui consiste à formuler sa contestation auprès d’un tiers plutôt que directement avec la personne concernée.