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Lors de la dernière décennie, le leadership commercial a basculé dans le soft power

Comment expliquer la pénurie des profils commerciaux qui s’est creusée lors des dix dernières années ? Comment la pratique Sales a-t-elle évolué lors de la dernière décennie ? Quelle est la différence majeure entre le DirCo du début des années 2010 et le DirCo d’aujourd’hui ? Sacha Kalusevic, Directeur Senior chez Michael Page Technology, nous apporte des éléments de réponse dans cette interview !

Bonjour Sacha. Avant d’entrer dans le vif du sujet, pouvez-vous revenir sur votre parcours professionnel en quelques mots ?

Mon parcours est fait de hasards et de rencontres. A la base, j’étais plutôt prédestiné à une carrière dans la finance de marché. La crise financière de 2001 m’a amené à débuter ma carrière dans l’audit financier (PwC) avant de rejoindre totalement par hasard Michael Page, à Strasbourg, pour devenir un expert du recrutement de commerciaux. Michael Page est une entreprise agile, dynamique et ambitieuse dans laquelle je m’épanouis depuis maintenant 19 ans.

Notre expertise dans le recrutement, notamment sur la partie commerciale, fait que l’on vit les problématiques majeures des entreprises au quotidien. Nous apportons nos compétences, nos outils et notre vision pour les aider à recruter les meilleurs profils commerciaux dans un contexte de pénurie.

Justement, Michael Page estime qu’il manquerait plus de 200 000 profils commerciaux en France. Quelles sont les raisons de cette pénurie, à votre avis ?

Il y a toujours eu un turnover relativement élevé dans la fonction commerciale. C’est vrai qu’il y a aujourd’hui largement plus de postes à pourvoir que de candidats potentiels dans la fonction commerciale. Il y a une dizaine d’années, les métiers de la vente étaient déjà moins bien estimés par les jeunes diplômés des écoles de commerce. Ceux qui s’intéressaient à la fonction commerciale voulaient passer directement au poste de manager sans forcément passer par la case terrain. Je pense que l’image de la fonction commerciale s’est relativement améliorée ces dernières années, mais il y a un autre paramètre qui entre en ligne de compte.

Le bac+5 s’étant banalisé, les étudiants s’orientent davantage vers la communication, le marketing, la gestion, etc. C’est pourquoi la croissance constante du nombre de diplômés ne profite pas forcément à la fonction commerciale. Les entreprises rivalisent d’ingéniosité pour valoriser le métier de commercial avec de nouvelles façons de faire, des efforts sur l’environnement de travail et éventuellement sur la rémunération. Il subsiste toutefois une certaine latence entre les attentes des entreprises et les profils des candidats, ce qui exacerbe encore plus la pénurie.

Quelle est, selon vous, la différence majeure entre le Directeur Commercial du début des années 2010 et le DirCo d’aujourd’hui ?

Je pense que la notion de leadership est partie sur un nouveau paradigme lors de la dernière décennie. Les directeurs commerciaux du début des années 2010 brillaient surtout par leur caractère (fort), leur talent dans l’animation et la motivation des équipes et leur style de management qui pouvait être assez directif, avec parfois un management par l’émotion.

Aujourd’hui, je pense que les DirCo adoptent un leadership de soft power, avec un rôle de chef d’orchestre, en mode collaboratif. De manière plus anecdotique, je pense qu’on aura plus de mal aujourd’hui à distinguer visuellement le DirCo sur une photo de l’équipe commerciale.

A lire également sur BtoB Leaders : Spécialisation de la vente, plus d’émotion dans l’approche, Sales Enablement… Retour sur les 10 dernières années des Sales !

Dézoomons un instant du DirCo. Quels sont, selon vous, les trois facteurs décisifs qui ont changé la pratique des Sales dans la dernière décennie ?

Je pense que l’émergence d’un profil de client mieux informé et plus exigeant a profondément bouleversé la pratique des Sales dans les dernières années. Les clients laissent aujourd’hui moins de chance aux commerciaux qui ne maîtrisent pas leur sujet. Les prospects souhaitent se rassurer sur les compétences techniques des commerciaux (expertise), mais aussi sur leur réactivité, leur capacité à s’approprier leur besoin et à y répondre de manière pertinente.

Je pense aussi que les clients attendent des commerciaux une certaine polyvalence car ils n’hésitent pas à les solliciter sur des sujets qui n’entrent pas forcément dans leur périmètre. Le commercial doit être en mesure de sortir de son pré carré pour apporter ce petit plus qui fait la différence, en recommandant une solution complémentaire à l’offre de l’entreprise, par exemple.

Quelles sont les nouvelles compétences exigées par les entreprises dans les profils commerciaux qu’elles souhaitent recruter ?

En fait, nous sommes plutôt sur une logique de compromis que d’exigence, surtout dans un contexte de pénurie. Dans les scénarios où l’entreprise a épuisé toutes les pistes sur son recrutement commercial, elle aura tendance à sortir de son cahier des charges pour évaluer les candidats sur leur attitude, leur mentalité et leur motivation plutôt que sur leurs hard skills. Les profils commerciaux qui arrivent avec le bon mindset s’intègrent plus vite dans l’équipe, font l’effort de comprendre les attentes du client, etc.

Les candidats qui sont par exemple dans une dynamique de reconversion vont peut-être déployer plus d’énergie pour apprendre. Dans certains cas de figure, notamment dans les secteurs d’activité qui ne sont pas excessivement techniques et lorsque l’entreprise peut se permettre d’accompagner et de former, le recrutement par les soft-skills peut être très intéressant.

Comment voyez-vous l’évolution du profil de Directeur Commercial et de la fonction Sales dans les 10 prochaines années ?

Je pense que le modèle collaboratif finira par s’imposer dans toutes les équipes commerciales, sous la responsabilité du DirCo qui devra mobiliser ses soft-skills pour instaurer cet esprit de collaboration et personnaliser au maximum son approche managériale. Nous allons accélérer la transformation du processus de vente qui sera plus hybride, plus « phygital ». Le rendez-vous client « physique » va reprendre tout son sens. Je pense également que l’environnement de travail des Sales sera plus « libéré », avec une plus grande flexibilité physique et géographique et une approche managériale recentrée sur la performance et les résultats plutôt que la quantité et le volume de travail.

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