Certaines erreurs ne se corrigent pas en optimisant une campagne ou en ajoutant un outil au stack technique. Elles sont déjà là, bien en amont, dans la manière dont la stratégie marketing B2B a été pensée : ce qu’on attend du contenu, la manière dont on interprète les signaux, la représentation qu’on se fait des acheteurs, voire la pertinence de l’offre elle-même.
Voici 4 angles morts qui brident probablement votre stratégie marketing B2B depuis des années.
#1 Croire que le content marketing génère des leads sans prospection active
C’est probablement l’illusion la plus tenace dans le marketing B2B depuis le boom de l’Inbound Marketing. Les équipes marketing produisent des tonnes de contenu (articles de blog, livres blancs, webinaires, podcasts), souvent avec de la qualité, en espérant que les prospects vont naturellement les contacter. On se dit : « Si on crée du très bon contenu, ils vont nous trouver et nous appeler ». Le raisonnement a du vrai, et il est légitime, mais il reste incomplet.
Même quand une entreprise publie un contenu brillant, même quand elle devient une référence dans son domaine, les prospects B2B ne décrochent pas forcément leur téléphone. Ils peuvent lire tous les articles, télécharger tous les guides, participer aux webinaires… et ne jamais faire le premier pas.
Pourquoi ? Parce que dans le B2B, prendre contact avec un fournisseur ou un prestataire, c’est s’engager dans un processus. C’est accepter le jeu commercial, recevoir des relances, justifier son intérêt auprès de ses collègues… C’est franchir un seuil psychologique que beaucoup hésitent à franchir, même quand ils sont intéressés.
Le Content Marketing est de moins en moins un générateur automatique de leads. C’est plutôt un facilitateur, voire un prétexte de conversations. Quand un commercial appelle un prospect qui a déjà lu du contenu de qualité, la conversation démarre différemment. Le terrain est préparé, la crédibilité est établie, la résistance est moindre.
💡 Point de vigilance |
Le succès du contenu se mesure évidemment au trafic et aux téléchargements. Mais il faut aussi le mesurer au nombre de conversations commerciales qu’il déclenche, qu’il facilite ou qu’il alimente. Si vos commerciaux n’utilisent pas votre contenu comme prétexte d’appel ou comme support de vente, c’est que vous faites encore « de la littérature ». |
#2 Confondre volume d’intention et maturité commerciale
L’explosion des signaux d’intention a donné l’illusion d’un marketing « prédictif » : on capte un pic de consultations sur une fiche produit, un mot-clé métier dans un rapport 6sense, une visite anonyme sur une landing page… et on déduit que le compte est prêt à acheter.
Mais dans les faits, la majorité des comptes dits « chauds » n’ont pas de budget, aucun sponsor interne et parfois même aucune conscience claire de leur besoin. Ce ne sont pas des leads, ce sont des indices. Or, dans les comités de pilotage marketing, ces volumes faussement rassurants viennent justifier des plans média, des relances commerciales et des prévisionnels qui s’écrasent ensuite sur la réalité terrain.
Résultat : on parle de MQL, de SQL, d’activation, mais on oublie une donnée élémentaire : dans le B2B, l’intention ne vaut rien si elle n’est pas qualifiée en maturité politique, technique et budgétaire. Aucune plateforme de détection ne peut inférer ces trois couches. Il faut aller les chercher manuellement.💡 Point de vigilance La plupart des signaux d’intention sont des comportements exploratoires plutôt que des marqueurs d’opportunité. Tant qu’aucune prise de contact directe ne permet de vérifier la présence d’un besoin actif, d’un budget ou d’un porteur de projet, ces comptes ne doivent pas être intégrés aux prévisions commerciales.
#3 S’appuyer sur des personae figés qui ne reflètent plus les vraies logiques d’achat
Les entreprises du B2C ne peuvent pas se le permettre, mais c’est encore monnaie courante dans le B2B : les personae marketing ont été définis une fois, souvent à partir d’intuitions ou d’ateliers PowerPoint, puis figés pendant des années.
On continue donc à orienter la stratégie sur un « Directeur Technique en ETI industrielle », ou une « Responsable RH multisite » sans jamais confronter ces profils aux véritables circuits de décision observés en avant-vente. Le personae type ne correspond souvent à aucun interlocuteur réel. Il est trop lisse, trop autonome, trop rationnel.
Dans les faits, les cycles de vente B2B sont portés par des coalitions internes complexes où se croisent un prescripteur curieux, un décideur méfiant, un utilisateur technique sceptique et un manager pas très présent. Aucun contenu ne peut adresser ce groupe si le marketing continue à parler à une personne imaginaire.
Le travail à faire n’est pas de « mettre à jour les personae » mais de cartographier les jeux d’acteurs par typologie de compte : qui est moteur, qui bloque, qui influence, qui décide, dans quelles séquences, avec quelles objections et quels biais. Il n’y a pas de miracle : il va falloir faire un travail analytique sur les deals historiques et mobiliser la matière grise des commerciaux.💡 Point de vigilance Un bon personae n’est pas un portrait-robot. C’est une synthèse dynamique des rôles joués par les interlocuteurs dans un vrai processus d’achat avec leurs enjeux politiques, leur exposition au risque et leur capacité à faire bouger les lignes.
#4 Déployer des efforts marketing pour un produit que le marché n’a jamais demandé
Il n’y a pas pire point de départ qu’un produit « innovant » imaginé entre quatre murs, sans demande explicite, sans tension client identifiée, sans preuve que quelqu’un serait prêt à faire bouger les lignes dans son organisation pour l’acheter.
Et pourtant, des directions marketing se retrouvent chaque année à devoir « créer l’intérêt » autour d’une offre que personne ne cherche, ne comprend ou ne priorise.
Le produit n’est pas forcément trop cher. Il n’est pas mal présenté. Il est juste hors sujet. Pas parce qu’il est mauvais, mais parce qu’il arrive dans un contexte où personne n’a formulé le besoin qu’il prétend résoudre. On force des messages, on tente de « faire monter la maturité », on espère que la pédagogie suffira à faire émerger le besoin.💡 Est-ce que quelqu’un attend vraiment ce qu’on vend ? Dans un nombre surprenant de cas, la réponse est « non ». Pas « non, jamais », mais non, pas maintenant, pas sous cette forme ou pas pour ce public. Dans ces conditions, aucune stratégie marketing ne peut réussir, car le problème n’est pas le tunnel. C’est plutôt ce qu’on y injecte. Sans preuves tangibles d’intérêt marché (appels sortants, retours terrain, signaux faibles clients, deals pilotes), on bâtit un château de cartes.