BtoB Leaders a eu le plaisir d’échanger avec Guillaume Legendre, CEO de Touch & Sell, acteur majeur du Growth Enablement. Au menu : sa vision du chemin parcouru par la pratique commerciale dans les 10 dernières années, son avis sur l’évolution à deux vitesses de la technologie (MarTech vs. SalesTech) et son pronostic sur l’avenir de la fonction commerciale dans les 10 prochaines années.
Sommaire
Bonjour Guillaume. Pouvez-vous revenir brièvement sur votre parcours professionnel ?
Bien sûr. J’ai fait un Master en e-business dans une école de commerce à Paris avant de partir à Montréal pour occuper le poste de chef de projet web au sein de l’agence Polarweb. De retour en France, j’ai intégré Reed Exhibitions, une expérience qui a duré plus de huit ans et qui m’a permis de développer une belle expérience digitale dans la mesure où je m’occupais, entre autres, du pilotage de l’activité e-business avec une quarantaine de salons.
J’ai donc rejoint Touch & Sell en octobre 2014 en tant que Directeur Commercial et Marketing pour faire pivoter la boîte d’une agence de communication à un éditeur de logiciel. Il s’agissait désormais de parler aux commerciaux plutôt qu’aux marketeurs.
La technologie a davantage chouchouté les marketeurs que les commerciaux. Le marché de la MarTech est d’ailleurs beaucoup plus développé que celui de la SalesTech. Qu’est-ce qui explique selon vous cette évolution à deux vitesses ? La fonction commerciale est-elle hermétique au changement ?
Je pense que les managers des grandes entreprises traditionnelles en B2B perçoivent les commerciaux comme étant hermétiques au changement et peu réceptifs aux évolutions technologiques. En réalité, la curiosité et l’ouverture d’esprit sont des aptitudes indissociables de la fonction commerciale. Je pense que la balle est dans le camp des managers qui doivent évoluer, engager leur virage digital et insuffler cette dynamique à leurs équipes. Bien souvent, les freins à la transformation digitale dans la fonction commerciale sont les managers, pas les commerciaux.
On observe dans les dernières années une certaine émancipation des acheteurs B2B qui, mieux informés et plus exigeants, tendent à évincer le commercial du parcours d’achat. Le Sales Enablement peut-il redonner au commercial son pouvoir d’influence ?
Je pense que la première réponse à cette problématique, c’est de mettre les commerciaux en confiance. Il y a un travail à faire sur la considération et la reconnaissance. Cela passe par de la formation dans les règles de l’art, du coaching individualisé, le déploiement des bons outils, etc. Le commercial doit être perçu comme un sportif qu’il faut mettre dans les meilleures dispositions pour aller chercher la victoire. Un athlète sans coach, sans équipe, sans encadrement et sans sponsor ne peut pas performer.
C’est ici qu’intervient le Sales Enablement et, à plus forte mesure, le Growth Enablement. En somme, il s’agira de concentrer tous les efforts de l’entreprise sur le commercial pour le mettre dans les meilleures dispositions. Le profil commercial est réceptif à l’émotionnel. S’il sent qu’il est soutenu, il sera forcément meilleur, même face à un prospect très exigeant.
Il n’y a pas que le BtoB Summit qui célèbre ses 10 ans cette année. Touch & Sell souffle aussi sa 10e bougie. Vous êtes donc bien placé pour nous parler du chemin parcouru par le Sales Enablement en France lors de la dernière décennie.
Il y a 10 ans, nous étions tout simplement des extraterrestres. On n’utilisait d’ailleurs même pas l’expression Sales Enablement. On parlait Sales Efficiency, Sales Effectiveness, de performance commerciale, etc. Aujourd’hui, c’est quand même différent.
A l’époque, seules quelques entreprises affichaient leur volonté de capitaliser sur le digital pour développer la fonction commerciale. En général, ces entreprises comptaient quelques profils avant-gardistes qui étaient surtout dans un mindset expérimental. Après cette phase d’expérimentation, on a assisté à l’émergence de profils qui se sont appropriés cette digitalisation de la fonction commerciale et qui la portaient dans les entreprises qu’ils rejoignaient.
On s’est rapidement rendu compte qu’il y avait du ROI dans cette démarche, avec un gain de temps pour les commerciaux, une accélération du cycle de vente, une maximisation des opportunités de cross-sell et d’upsell, etc. On a par la suite ajouté toute la partie développement personnel, avec la formation et le coaching. Résultat : la durée d’onboarding des commerciaux a été divisée par trois, à titre d’exemple.
Le marché s’est donc progressivement structuré, et le Sales Enablement apparaît de plus en plus sur les agendas des CEO. Je pense que les outils de Sales Enablement suivent aujourd’hui le même cheminement que le CRM il y a 20 ans.
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Quelle est, selon vous, la différence majeure entre le Directeur Commercial du début des années 2010 et le DirCo d’aujourd’hui ?
Le Directeur Commercial des années 2010 devait tirer le maximum de chiffres de son CRM. Son quotidien était essentiellement porté par la statistique et le reporting. Par conséquent, il traquait les commerciaux qui ne remplissaient par le CRM. La performance commerciale était réduite à la saisie des données sur l’outil.
En dix ans, on s’est largement recentré sur l’individu. La vente redevient le résultat du bon discours au bon moment, avec les bons arguments, une certaine connaissance du marché et de la concurrence… des informations qu’on se doit de livrer au commercial sur un plateau.
Quels sont, selon vous, les facteurs décisifs qui ont changé la pratique des Sales dans les 10 dernières années ?
Je pense que les commerciaux ont pris conscience que le besoin du client passait avant le bénéfice de l’entreprise et/ou leur intérêt personnel. Ce changement d’état d’esprit a été décisif dans l’évolution de la fonction commerciale. Ensuite, les commerciaux ont changé leur rapport au manager… ce dernier étant là pour les aider (formation, coaching…), pas pour les fliquer à travers un CRM. Enfin, je dirai que le profil commercial a pris davantage d’importance dans l’entreprise. C’est un profil rare et cher qu’il faut fidéliser.
Comment voyez-vous l’évolution du commercial dans les 10 prochaines années ?
Pour moi, l’évolution est évidente. Le commercial mobilisera l’IA pour interpréter les signaux faibles pendant son rendez-vous, ce qui lui permettra de faire avancer ses opportunités de manière dynamique dans son CRM. On oublie donc la saisie manuelle des données. Ensuite, je pense que le contact client à froid va finir par disparaître. Chaque interaction devra justifier d’un certain niveau de connaissance.