Le Sales Enablement a clairement fait partie des mots-clés de la dernière édition des Rencontres Internationales du Marketing (RIM) et du BtoB Summit. Parce qu’il met les commerciaux dans les meilleures dispositions pour briller en rendez-vous, le Sales Enablement suscite un engouement en France dans un contexte de reprise économique. Pour en discuter, BtoB Leaders a eu le plaisir d’échanger avec Stéphane Renger, CEO de Salesapps, acteur majeur du Sales Enablement français. Interview !
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Cette année, sur BtoB Leaders, nous avons beaucoup documenté le rapprochement entre le B2B et le B2C. Les acheteurs semblent aujourd’hui exiger une expérience client à la B2C avec du service, de l’instantané, du ludique, d’autant plus que les milléniaux sont aujourd’hui en poste. Que pensez-vous de cette tendance ?
Il y a en effet des similitudes sur certains aspects, notamment en amont de l’acte d’achat, sur la partie de la recherche et collecte d’informations. Il est évident qu’à l’ère du digital, que ce soit pour une offre B2B ou B2C, l’information disponible pour l’acheteur est riche et il est très informé en amont du rendez-vous. Selon les outils dont il dispose, le commercial sait que l’acheteur a consulté tel contenu à tel moment. Forcément, l’acheteur est plus exigeant et le commercial se doit d’être plus percutant plus vite et de parfaitement maîtriser son offre dans le cadre d’une position d’expert.
Je vois une autre similitude : l’environnement concurrentiel B2B comme B2C va très vite. Si l’entreprise ne réagit pas très vite aux sollicitations d’un acheteur potentiel, ce dernier risque de passer ailleurs. C’est très vrai dans un environnement B2C, mais c’est aussi de plus en plus le cas dans le B2B. L’acheteur va par exemple sélectionner les trois premiers du marché ou suivre les mises en avant réalisées par les moteurs de recherche. Il passera ensuite de l’un à l’autre selon leur réactivité et la qualité de leurs réponses ou conseils. Pour le commercial, il y a donc un vrai enjeu de réactivité.
L’expression « Sales Enablement » a été omniprésente lors de la dernière édition des RIM et du BtoB Summit, peut-être avec l’ABM. Diriez-vous qu’aujourd’hui, les entreprises françaises sont suffisamment sensibilisées à l’apport du Sales Enablement pour réaliser leur plein potentiel commercial ?
La réponse est claire : absolument pas. Nous sommes sur un marché relativement naissant. Si l’on agrège l’ensemble des clients équipés d’une solution de Sales Enablement en France, nous sommes sur un taux de pénétration très faible, qui ne dépasse pas les 10 %. Certaines entreprises ont lancé des pilotes sur tout ou partie de leur force de vente, d’autres sont sur des intégrations ou des migrations préalables de CRM, etc. Il y a toutefois une accélération de la sensibilisation depuis quelques années grâce sans doute à une communication plus offensive (livres blancs, conférences…), à un environnement matériel plus adapté (tablettes, PC hybrides…), à l’hybridation des rendez-vous (présentiel et distanciel)… une dynamique qui nécessite plus d’accompagnement mais la majorité des entreprises sensibilisées ne sont pas encore arrivées à l’étape de l’intégration.
Le contexte que nous vivons aujourd’hui laisse toutefois penser qu’il y aura une véritable accélération de l’intégration des solutions de Sales Enablement en 2022. En effet, je dirai qu’une entreprise sur deux n’a pas encore connaissance de l’existence des solutions Sales Enablement alors qu’elles expriment pourtant des problématiques en termes d’alignement Sales & Marketing et donc de performance commerciale. Il nous reste donc un gros travail d’éducation et d’information à faire.
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Diriez-vous que les acteurs français et francophones du Sales Enablement ont pêché par manque de pédagogie, voire de vulgarisation ?
Non je ne le pense pas. Le marché français n’était pas encore suffisamment prêt. A l’origine, le Sales Enablement est né essentiellement avec des outils et applicatifs destinés à des populations commerciales nomades équipées de tablettes. Avec l’arrivée de Windows 10, ces solutions ont non seulement pu se déployer sur des environnements de type PC portables (hybrides ou non), mais aussi sur des PC fixes. Il reste encore aujourd’hui des entreprises qui ne sont même pas encore passées à Windows 10. Le niveau d’équipement matériel a donc beaucoup freiné le déploiement du Sales Enablement à ses débuts.
Il faut dire aussi que la notion de Sales Enablement n’est pas forcément la plus facile à appréhender. D’ailleurs, la notion garde son appellation anglaise en France, même si nous parlons d’aide à la vente ou d’amélioration de la performance commerciale. Pour comparer, on a déjà des Sales Enablement Managers aux Etats-Unis depuis des années. En France, on aura plutôt des responsables des outils commerciaux, des responsables de la performance commerciale, etc. Il y a donc des équivalences à trouver.
Enfin, beaucoup d’entreprises n’étaient pas suffisamment mûres pour comprendre les enjeux réels liés au Sales Enablement, les problématiques auxquelles il est en mesure de répondre. Il faut être confronté à des problématiques et des situations pour prendre conscience des enjeux. Aujourd’hui, ces problématiques sont clairement identifiées sur le marché : le Sales Enablement permet d’améliorer la performance commerciale à travers un alignement temps réel entre Sales & Marketing, une meilleure maîtrise des offres par les commerciaux, une capacité à contextualiser les rendez-vous avec des parcours de vente adaptés à leurs interlocuteurs et donc à augmenter leur volume de vente.
Les attentes des populations commerciales sur ces outils digitaux sont d’ailleurs très fortes selon les études récentes car elles ont bien conscience que leur métier évolue rapidement… Les premiers retours des entreprises qui ont adopté le Sales Enablement viennent aussi encourager d’autres structures à se lancer car elles ont modernisé leur approche commerciale et observé une augmentation moyenne de leurs ventes de + 5 % à 20 % selon les secteurs d’activité.
Plusieurs études ont montré une certaine cassure dans la relation de confiance entre l’acheteur B2B et le commercial. Aujourd’hui, l’acheteur réalise 57 % du parcours d’achat avant d’initier le contact avec le fournisseur envisagé (Forrester). 55 % des acheteurs estiment que les commerciaux ne sont pas des partenaires dignes de confiance (HubSpot). Le Sales Enablement peut-il repositionner le commercial en tant que partenaire privilégié de l’acheteur ?
Complètement et pour deux raisons. Le Sales Enablement va non seulement permettre au commercial de renforcer son positionnement d’expert mais également lui permettre de faire vivre à l’acheteur une véritable expérience client.
Sur le premier point, avec le Sales Enablement, le commercial n’a plus à aller chercher les contenus produits par le Marketing sur une base documentaire, un drive voire même parfois dans ses mails, car elles sont directement actualisées en temps réel dans son application. L’alignement avec le marketing est donc instantané. Concernant l’expérience client, la solution de Sales Enablement permet au commercial de contextualiser son rendez-vous avec des parcours de vente personnalisés et immersifs. Parce qu’il dispose des bons contenus au bon moment et dans le bon contexte, le commercial pourra mieux « performer » en rendez-vous et améliorer ainsi son taux de transformation.
Vous êtes CEO de Salesapps. Quelle a été la genèse de l’entreprise, et en quoi son offre diffère-t-elle de la concurrence ?
Pendant plus de 10 ans, notre métier a été de concevoir des applicatifs mobiles pour le grand public. Nous étions une agence digitale mobile. Nous avons conçu plus de 500 applications grand public, avec beaucoup d’applications dans le top 100 français. Progressivement, certains de nos clients nous ont demandés de travailler sur des applicatifs « métier » puisqu’ils commençaient à équiper leur force de vente de tablettes, ce qui était assez novateur à l’époque. En 2007 – 2008, on avait encore des BlackBerry dans les entreprises.
On a donc conçu à partir de 2010 les premiers applicatifs pour les forces de vente de nos clients avec le lancement de l’iPad. Par la suite, on a créé Salesapps, un produit qui répond à l’enjeu de toutes les directions commerciales et marketing dans tous les secteurs d’activité.
L’élément de différence, c’est que nous venons du monde du mobile. L’applicatif est avant tout conçu pour être ergonomique, fluide, facilement évolutif et qu’il suscite non seulement l’adhésion, mais surtout une utilisation quotidienne. Notre défi, c’est l’usage en clientèle, donc à chaque rendez-vous, qu’il soit en face à face ou à distance. Nous ne concevons pas des équivalents de Drive, des applicatifs conçus comme des bases documentaires ou des bibliothèques. Ce type d’outil est pertinent pour préparer le rendez-vous, pas pour le mener face à un client. Le client attend des contenus interactifs et percutants : du visuel, de la vidéo, etc. Pour moi, le Sales Enablement doit répondre à l’enjeu du Live Client, avec un usage au moins aussi fréquent et performant que les applicatifs grand public. C’est donc notre point de différenciation.
Quid de la partie Data ? Comment le Sales Enablement peut-il éclairer les responsables sur la performance des commerciaux ?
Le Sales Enablement permet de suivre ses propres KPI (contenus consultés, contenus partagés, contenus lus par les clients, taux d’usage et nombre de rendez-vous, délai de montée en compétence sur des lancements d’offres, parcours de vente en clientèle…), mais le principal enjeu est de remonter ces données dans le CRM pour nourrir les Dashboards et les campagnes d’Automation.
L’enjeu des connecteurs CRM est donc majeur dans le Sales Enablement. Il y a une information qui échappe souvent aux directions marketing et commerciales : comment se déroule le rendez-vous client ? Le commercial présente-t-il le bon contenu ? A-t-il le bon discours ? Elles n’en savent strictement rien. Le fait de connecter votre application de Sales Enablement à votre CRM va dispenser le commercial de faire son compte rendu de rendez-vous (tout le script du rendez-vous et la Data associée sont automatiquement aspirés) et permettre aux directions de récupérer des objets « requêtables » pour leur campagne de Sales et/ou Marketing Automation. Elles peuvent même identifier les contenus les plus partagés et les plus consultés pour rationaliser la prise de décision.
Le monde de l’entreprise a vécu deux années inédites. Dans ce contexte de reprise hésitante, l’effort de prospection est capital, d’autant plus qu’il change de forme pour aller vers de l’hybride. Avez-vous noté un engouement pour le Sales Enablement dans cet environnement ?
Avant la pandémie, nous étions sur un marché naissant. Nous étions logiquement sur une courbe de croissance forte puisque nous démarrions de très bas. Pendant la Covid-19, la majorité des entreprises ont temporairement gelé leurs investissements. Elles ont toutefois dû accélérer le déploiement des solutions de visioconférence pour assurer la continuité de l’activité en distanciel. Cette dynamique a été très favorable au Sales Enablement dans la mesure où ce mode de rendez-vous, bien que pratique, n’est pas propice à créer une expérience client réussie s’il n’est pas accompagné d’une solution de Sales Enablement. Aujourd’hui, il est même plus naturel de bloquer une visio que de faire un appel téléphonique pour la plupart des commerciaux ou des acheteurs.
Les entreprises qui avaient confiance en leur modèle ont quant à elles investi. Cela leur a notamment permis de se préparer et de professionnaliser leur approche commerciale à distance pour aller vers du Remote Selling, y compris quand il n’y avait pas de rendez-vous. Ces entreprises ont été les premières à profiter de la reprise.
Sur cette fin d’année, les Directions commerciales et marketing ont conscience qu’elles doivent accompagner la relance ou le développement de leur activité mais également séduire leur force de vente et les acheteurs. Elles nous ont donc sollicités pour se renseigner, obtenir des devis et préparer leur budget Marketing 2022. On a une écoute forte qui laisse penser que les mois qui viennent seront fructueux.
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