Quel dosage entre l’objectif de développement rapide du pipeline et la satisfaction des clients existants ? C’est un marronnier pour les directions commerciales qui doivent trouver l’équation qui permet de maximiser les revenus sur la durée.
Dans la pratique, les arbitrages du quotidien tendent à favoriser la chasse au détriment du travail de fidélisation. Comment gérer cette tension et éviter que la course aux nouveaux deals ne fragilise votre portefeuille client ?
Les premiers signes de dégradation de l’expérience client
La pression sur le pipeline commercial crée des arbitrages quotidiens qui impactent la qualité du service client. Les équipes commerciales concentrent leur attention sur les nouvelles opportunités et relèguent mécaniquement les sujets clients au rang de « points divers » dans les réunions d’équipe.
Le management commercial affecte systématiquement ses meilleurs éléments à la conquête plutôt qu’à la gestion des comptes stratégiques, et les commerciaux sont en phase avec cette configuration, car c’est là que se mesurent leurs objectifs et leur bonus.
Cette priorisation de l’acquisition déforme progressivement la relation client. Les équipes passent plus de temps à qualifier des prospects qu’à approfondir la compréhension des besoins de leurs clients existants. Les demandes d’évolution produit remontent moins facilement jusqu’aux équipes de développement (trop occupées à construire des fonctionnalités pour séduire de nouveaux segments de marché).
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Plus accessoirement, la qualité de l’onboarding client se dégrade sur la durée. Les équipes Customer Success, qui doivent absorber un flux constant de nouveaux clients, raccourcissent leurs processus d’accompagnement. Le suivi devient plus standardisé, moins personnalisé (notamment sur les clients de taille moyenne qui ne bénéficient pas d’un CSM dédié).
Cette dégradation de l’expérience client crée un vrai paradoxe : en se focalisant sur la croissance du pipeline, les entreprises fragilisent leur base clients installée, qui reste pourtant leur meilleure source de revenu via l’upsell, le cross-sell et les recommandations.
Comment rééquilibrer l’attention entre acquisition et fidélisation
L’urgence sera de revoir les critères d’évaluation des équipes commerciales. Aucune stratégie de fidélisation n’aura de sens sans cette mesure fondatrice. Au lieu de mesurer uniquement le business entrant, il faut intégrer la croissance du revenu récurrent dans les objectifs individuels (y compris pour les chasseurs). Cet ajustement poussera les commerciaux à maintenir un contact régulier avec leurs clients existants, car ils savent que leur rémunération en dépend.
On cherchera également à repenser les territoires commerciaux. Au lieu d’affecter tous les meilleurs éléments à la chasse, certains doivent être dédiés au développement des comptes stratégiques. Ces « éleveurs » (vs. chasseurs) peuvent alors construire une vraie stratégie de croissance pour chaque client majeur, avec la CLV comme principal KPI.
La deuxième étape consistera à repenser les rituels de l’équipe commerciale. La traditionnelle « pipeline review » doit s’enrichir d’une revue des comptes existants avec la même rigueur et les mêmes standards. L’analyse ne se limite plus aux nouvelles signatures, mais examine aussi les signaux d’expansion ou de risque dans le portefeuille client : évolution des usages, participation aux événements, remontées du support technique, derniers échanges business, etc.
Enfin, il faut repenser l’allocation des ressources de développement produit/service. Au lieu de concentrer les investissements sur des nouveautés censées séduire de nouveaux segments, il faudra intégrer les retours (et les souhaits) des clients existants dans la roadmap. Objectif : aboutir à un parc client satisfait, et aller chercher de nouveaux comptes similaires avec un produit qui a fait ses preuves.