Des cas clients ignorés, des pitchs trop longs, des argumentaires hors sol… dans la majorité des entreprises B2B, le contenu censé soutenir la vente est rarement ouvert, et il est encore moins exploité face client.
Cette déperdition systématique est une perte sèche pour l’entreprise. C’est aussi un facteur majeur des frictions sur les budgets marketing. Et c’est enfin l’une des causes du désalignement Sales – Marketing.
Pour éviter cette déperdition systémique, certaines entreprises mettent en place un comité mixte Sales + Marketing. Objectif : rebrancher le marketing avec le terrain et booster le taux d’utilisation des contenus d’aide à la vente par les commerciaux au service de la conversion et de la fidélisation. Décryptage…
Quel intérêt à créer un comité de contenus Sales + Marketing ?
Selon Forrester, 60 à 70 % des contenus produits par les équipes marketing B2B pour soutenir la vente ne sont jamais utilisés par les commerciaux. On parle ici des cas clients, pitch decks, fiches produit, comparatifs avec la concurrence, emails de prospection ou de relance et playbooks d’argumentation.
Ces contenus censés alimenter les échanges avec les prospects, renforcer le discours commercial ou accélérer la prise de décision ne sont ni repris, ni relayés… ni même ouverts dans les cas extrêmes. Pourquoi ?
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#1 Le brief est trop vague pour produire un contenu exploitable
Beaucoup de contenus sont produits à la suite d’une demande d’un commercial, mais le brief est imprécis :
- « Il nous faudrait une version du pitch pour les collectivités » ;
- « On a souvent des questions sur la sécurité, il faut qu’on ait un support là-dessus » ;
- « Le concurrent X commence à nous poser problème, il faudrait de quoi répondre ».
Le problème, c’est que ces demandes ne précisent pas qui va utiliser le contenu, dans quelle phase du deal, pour répondre à quelle question et via quel canal. Le résultat est souvent hors contexte, et le contenu n’est jamais utilisé, à juste titre.
#2 Le contenu demande un retraitement par les Sales pour être utilisable
Un contenu peut être pertinent sur le fond, mais inutilisable tel quel. Quelques exemples :
- Un pitch deck de 25 slides prévu pour une présentation de 45 minutes, alors que le commercial doit envoyer 3 slides claires à un prospect qui a 10 minutes avant son comité ;
- Un comparatif concurrentiel construit comme un document interne (avec langage offensif ou parti pris fort), impossible à transmettre tel quel au prospect sans l’expliquer ou le reformuler ;
- Une fiche produit conçue pour l’impression (PDF vertical, dense), inutilisable en partage d’écran en visio ;
Ou encore : un cas client mis en forme comme une success story pour le site web (storytelling, design orienté communication…) alors que le commercial avait simplement besoin de trois lignes claires : qui, quoi, quel bénéfice. Il pourrait reformuler lui-même, mais il ne le fait pas par manque de temps, de contexte ou parce qu’il estime que ce n’est pas à lui de le faire. Résultat : le cas client n’est pas utilisé.
#3 Le fond est trop léger pour être utilisé en rendez-vous
Certains contenus n’apportent rien en phase d’échange client. Pas de données, pas d’arguments différenciants, rien de fondamentalement exploitable.
Ils reprennent généralement des formulations vagues comme : « solution flexible », « gain de productivité », « accompagnement sur mesure ». Le commercial n’est pas convaincu. Il ne prend pas le risque.
#4 Le contenu est introuvable au moment où il devient utile
Même quand le contenu est pertinent et bien conçu, il peut être ignoré s’il est mal stocké. Exemples fréquents :
- Le contenu est stocké dans un dossier partagé, mais n’a jamais été signalé ou relayé dans les canaux utilisés par les Sales (messagerie, CRM…) ;
- Il existe plusieurs versions non datées ou mal nommées sans indication claire sur la version à jour. Le commercial évite d’utiliser un document potentiellement erroné ou obsolète ;
- Le contenu est intégré dans un outil (type Highspot, Showpad, Seismic), mais sans arborescence alignée sur le parcours de vente : pas de classement par type d’opportunité, par objection ou par persona.
💡 À savoir |
Un bon contenu introuvable est probablement pire qu’un mauvais contenu visible. S’il est de qualité, c’est qu’il a probablement demandé du temps et mobilisé des ressources. Il a donc coûté plus cher… et la perte sèche est donc plus élevée. |
Comment constituer un comité de contenus Sales + Marketing ?
Face à la déperdition massive des contenus censés servir la vente, certaines organisations ont mis en place un comité mixte qui regroupe des profils marketing et commerciaux. Cette approche est pertinente car elle permet :
- Au marketing de remettre les pieds sur terre, de sortir de la logique théorique, conceptuelle ou abstraite pour véritablement se frotter au terrain ;
- De responsabiliser les commerciaux sur la qualité des livrables (et leur ROI). Ils deviennent, eux aussi, partie prenante des contenus qui leur sont destinés.
Ce comité n’a pas vocation à devenir une réunion où les Sales valident ou invalident les contenus produits par le marketing. Il intervient en amont, avec un exposé rapide des besoins du moment côté Sales, des propositions côté marketing, et un accord formel sur les contenus à produire. Le marketing apporte la méthode, la capacité de production, la cohérence de fond. Les Sales apportent leur expérience du terrain et le verbatim des clients. Et les deux équipes sont responsables du résultat.
Voici les étapes à suivre pour constituer votre comité mixte pour des contenus enfin activables par la force de vente.
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#1 Désigner un référent Sales et un référent Marketing
Commencez par créer un binôme opérationnel qui porte le comité, qui filtre les demandes et qui tranche. Le directeur commercial désigne le référent Sales, le CMO désigne le référent marketing.
- Côté Sales : visez un manager de proximité (Head of Sales ou responsable mid-market/grand compte) capable de prioriser les cas remontés du terrain et présent sur les cycles en cours. Il faut une forte personnalité, pas un profil trop consensuel (peur de froisser et inertie), ni un SDR trop junior (manque de légitimité) ;
- Côté Marketing : un Content Manager senior ou un responsable marketing opérationnel. Il doit être capable de cadrer un livrable, de dire « non » à une demande mal formulée et de piloter la production de bout en bout.
Le sponsor du projet (souvent le DG ou le directeur commercial) doit annoncer publiquement sa création et trancher en cas de blocage.
#2 Définir une fréquence adaptée au volume commercial actif
Objectif : instaurer un rythme court, stable et supportable par les parties prenantes pour éviter les demandes en flux tendu et l’abandon du projet en cours de route. C’est le binôme Sales-Marketing qui décide de la fréquence, en accord avec le sponsor du comité. Quelques indications :
- 1 fois par semaine (30 min) si les cycles sont courts, les volumes élevés (Inside Sales, mid-market, forte cadence de closing) ;
- Toutes les deux semaines (45 min) dans un contexte de vente plus consultative, avec des cycles longs ou complexes ;
- 1 fois par mois (1h) si les volumes sont faibles avec peu de variation dans les objections ou les situations commerciales.
💡 Conseil opérationnel |
Bloquez les créneaux 3 mois à l’avance dans les agendas. Pas de report sauf absence majeure. Prévoyez un canal d’échange entre les sessions, car le comité devra probablement échanger entre deux réunions et travailler par itération sur les gros contenus prévus. |
#3 Créer un gabarit de traitement des demandes
Le binôme met en place une trame qui encadre les briefs et les demandes formulées par la force de vente, avec par exemple :
- les informations minimales attendues pour traiter une demande (contexte, étape du cycle, format souhaité, usage envisagé) ;
- les règles de validation, par exemple : pas de contenu produit si l’usage n’est pas clair ou s’il n’est pas porté par un commercial identifié ;
- le mode de suivi post-réunion (mise à jour du backlog, attribution d’un référent de production, etc.).
Ce gabarit doit tenir sur une seule page. Il est partagé à l’avance et appliqué à chaque session.
#4 Définir un format de réunion reproductible et cadré
Le binôme doit définir une trame fixe que chaque session du comité va suivre. Objectif : éviter les digressions, garantir que chaque réunion débouche sur une ou plusieurs décisions concrètes.
Format conseillé :
- ouverture rapide par le référent Sales (cas à traiter) ;
- priorisation conjointe (quel contenu produire) ;
- cadrage du livrable (usage, format, responsable) ;
- mise à jour du backlog (suivi des contenus précédents).
À lire également : [Masterclass] Modern Selling : Sales et Marketing au service de la performance commerciale (cas du groupe Adéquat)
#5 Mettre en place un circuit de production court, assigné et traçable
Une fois le contenu validé en réunion, il doit être produit rapidement par une personne identifiée, dans un format défini, avec une deadline. Le comité ne produit pas d’idées. Il identifie des contenus à produire.
Voici comment procéder :
- Le contenu est affecté à un rédacteur dès la fin de la session (membre de l’équipe marketing, prestataire externe ou autre ressource désignée) ;
- Le format et le niveau de finition sont précisés immédiatement (mail prêt à copier-coller, 3 slides réutilisables, cas client synthétique d’une page, PDF charté etc.) ;
- Un canal de validation rapide est défini : relecture par le référent Sales ou validation à chaud par le commercial concerné, par exemple ;
- Le rendu est ajouté au backlog, avec statut « en cours », puis « testé ».
#6 Instaurer un retour terrain systématique sur chaque contenu produit
Chaque contenu livré doit faire l’objet d’un retour après usage. À chaque session du comité, une partie des contenus produits antérieurement est revue rapidement :
- Le contenu a-t-il été utilisé ? Par qui ? À quelle étape du deal ?
- Comment a-t-il été exploité (mail, visio, support oral) ?
- A-t-il débloqué ou accéléré une étape ? A-t-il été ignoré ?
Ce retour est porté par un commercial identifié ou remonté par le référent Sales. S’il n’est pas utilisé dans les 30 jours, le contenu est revu, modifié ou archivé, avec les causes d’échec.
Ce suivi permet de mesurer concrètement la valeur des contenus, de nettoyer régulièrement le backlog et d’éviter que des contenus inutiles ne circulent « par défaut », simplement parce qu’ils ont été produits.
Le facteur clé de succès : partir de cas de vente réels, documentés
Le comité ne part jamais d’intentions (il faudrait un meilleur pitch) mais de situations vécues sur le terrain. À chaque session, le référent Sales doit préparer 2 à 3 cas concrets où un contenu a manqué, a été bricolé ou aurait pu faire gagner du temps ou de l’impact.
Quelques exemples :
- un deal perdu faute d’éléments sur l’intégration technique ;
- un appel d’offres public où la preuve sociale a fait défaut ;
- une objection prix mal traitée faute d’argument sur le ROI.
Chaque cas est présenté en deux à cinq minutes avec la phase du deal, le profil du prospect, le besoin et le support attendu. Si aucun cas pertinent n’est disponible/retenu, la session peut être annulée, et le binôme remonte le cas au sponsor. Une réunion de cadrage peut être nécessaire avec le CMO et le CSO pour débloquer la situation.