Êtes-vous sûr d’exploiter votre gisement de clients perdus dans vos campagnes d’acquisition ? En France, l’écrasante majorité des contrats sont remportés par des fournisseurs et prestataires qui ont déjà travaillé avec le donneur d’ordres.
Pour les directions commerciales, c’est une donnée à exploiter : un compte inactif reste un compte mobilisable, tant que la relation n’a pas été rompue sur un motif grave et éliminatoire. Et si les campagnes de réactivation (Winback) devenaient votre meilleur levier d’acquisition ?
Le constat : le passé est le meilleur atout commercial des prestataires dans le B2B
Quand une entreprise B2B établit une shortlist de fournisseurs pour un achat, elle privilégie les prestataires dont elle peut prédire le comportement opérationnel. Nous sommes essentiellement dans un projet de mitigation de risques.
Dans 3 cas sur 4, on finit par rappeler un ancien prestataire
En France, dans 76 % des cas, la shortlist compte au moins un fournisseur avec lequel l’entreprise a déjà collaboré, selon l’étude sur le Buyer Journey réalisée par Infopro Digital Média. Ce n’est pas forcément un biais ou une solution de facilité.
C’est un parti pris délibéré de la part des comités d’achat qui veulent s’appuyer sur le vécu commun avec un prestataire plutôt que la promesse d’un nouvel entrant.
On connaît les interlocuteurs, les délais réels de réponse, la fluidité des échanges, la tenue des engagements dans des situations non prévues par le contrat… On sait comment les équipes réagissent sous pression, comment elles gèrent un bug, un retard, un changement de périmètre. C’est toute cette matière invisible qui pèse au moment de sélectionner les finalistes.
Le comité d’achat juge la compétence des fournisseurs envisagés en autonomie
La compétence du fournisseur a souvent été validée en amont, dans la phase autonome du parcours d’achat, car le comité a lu un retour de pair, consulté un livre blanc, parcouru un cas client ou un benchmark sectoriel, lu un article sur la presse spécialisée, etc. Un ancien prestataire, même écarté sur un précédent dossier, reste en meilleure position qu’un nouvel entrant tant que l’entreprise juge la relation exploitable.
Pour les fournisseurs, ce constat a une implication majeure sur la stratégie marketing et commerciale : il faut travailler sur le portefeuille existant avec de la fidélisation, de l’accompagnement post-vente, mais aussi et surtout des campagnes de réactivation, ou de Winback, pour renouer avec les clients perdus, à condition que la perte n’ait pas été causée par un motif grave et potentiellement éliminatoire.
Le Winback : réintégrer dans le pipe des comptes perdus jugés à nouveau exploitables
Le Winback vise à relancer une relation commerciale interrompue avec un ancien client dont le potentiel reste intact ou a été restauré. On ne parle pas ici d’un simple geste commercial ou d’un email de relance automatique, mais plutôt d’un vrai travail de requalification amont, souvent mené par l’équipe grands comptes ou par un binôme commercial/marketing.
L’idée est d’identifier les clients perdus dont le départ n’a pas été causé par un motif bloquant (litige, conflit humain, défaut majeur), mais plutôt par une perte de contact, une offre concurrente plus adaptée (au moment « M »), un changement de décisionnaire ou un manque de visibilité sur la valeur ajoutée. Ce sont ces comptes-là qu’on peut retravailler.
Mais il faut baser la tentative de réactivation sur un vrai travail d’enquête commerciale pour évaluer si la cible est encore accessible, s’il y a toujours une intersection entre ses besoins potentiels et notre proposition de valeur, et si on a pu (ou on peut) éliminer ou atténuer le motif de départ.
Voyons à présent les étapes qui doivent structurer les campagnes de Winback dans le B2B.
Étape 1 : cartographier les comptes sortants et qualifier les motifs de départ
Le point de départ d’une campagne Winback, c’est l’extraction d’un segment de comptes clients inactifs depuis 6, 12 ou 18 mois, selon la longueur de votre cycle de vente. Cette extraction est menée par la direction commerciale ou le responsable portefeuille, avec l’appui de la Data ou du marketing pour croiser les historiques de facturation, les tickets support, les campagnes non ouvertes et les projets perdus.
Objectif : isoler les comptes qui ont déjà commandé mais dont la sortie ne s’explique pas par un événement disqualifiant (litige, contentieux, rupture contractuelle). On filtre également les clients « structurellement perdus » (rachat, changement d’activité, fermeture).
Une fois la liste obtenue, chaque compte est réexaminé à chaud avec les équipes concernées : commerciaux en poste, anciens account managers, service client, les opérationnels… Cette phase permet de reconstituer le scénario réel de sortie pour aller au-delà de la fiche client sur le CRM. On cherche surtout à comprendre :
- Quel était le niveau d’engagement du client au pic de la relation (volumes, projets, interactions) ;
- Quel événement a déclenché le décrochage (appel d’offres perdu, changement d’acheteur, incident mal géré, repositionnement stratégique…) ;
- Quelles sont les marges de manœuvre pour revenir dans le champ.
Chaque compte fait l’objet d’une fiche de requalification avec trois champs opérationnels :
- État de la relation à la sortie (neutre, tendue, floue, positive) ;
- Barrières à lever (pricing, couverture fonctionnelle, interlocuteur perdu, mauvaise perception) ;
- Levier de retour identifié (nouvel acheteur, évolution de l’offre, signal projet, contact en veille).
À ce stade, aucun contact n’est encore initié. L’objectif est de reconstituer une cartographie lucide, priorisée, pour n’engager de relance que sur les comptes où un retour est envisageable dans les 3 à 6 mois à venir.
Étape 2 : définir une stratégie d’approche par compte
Une fois les comptes requalifiés, l’équipe doit bâtir une stratégie d’approche adaptée à chaque profil. On ne relance pas un ancien client comme on traite un lead froid. Ici, l’approche doit tenir compte à la fois du contexte de sortie, du niveau de maturité actuel et de la posture à adopter. Votre cartographie est votre boussole.
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Ce travail se fait à deux niveaux :
Côté commercial, on détermine qui prend contact (commercial d’origine, manager, nouveau référent…), avec quel canal (appel direct, message LinkedIn, email contextualisé, relance par un tiers connu du client…) ;
- Côté marketing, on identifie les supports d’activation pertinents pour accompagner cette relance (one-pager personnalisé, contenu miroir d’un projet passé, référence sectorielle équivalente, fiche produit ciblée, article de presse métier, etc.).
- Pour chaque compte priorisé, il faudra construire un scénario d’entrée :
- Pitch : quelle accroche utiliser pour reconnecter (ex. : “On a retravaillé notre offre depuis X”, “On a vu que vous relancez tel chantier”, “Vous aviez testé notre solution sur tel usage, on peut aujourd’hui aller plus loin”) ;
- Objectif court terme : fixer un but clair dès le premier contact (call exploratoire, envoi d’un contenu utile, validation de l’interlocuteur actuel…) ;
- Timing : adapter le moment d’envoi au calendrier supposé du client (fin de trimestre, période budgétaire, refonte connue…).
L’idéal est de scénariser trois ou quatre modèles types d’approche (client en veille, client perdu sans friction, client dont le projet a capoté, client passé chez un concurrent…) et d’équiper les commerciaux avec ces scripts, exemples d’email et ressources prêtes à l’emploi.
Une fois ce kit d’approche en place, la phase d’exécution peut alors commencer.
Étape 3 : exécuter la campagne de reconquête
Lancez d’abord une séquence de « réchauffage » pour les comptes prioritaires. Concrètement, le service marketing doit activer une série de trois touches indirectes avant tout contact commercial direct :
- Une invitation à un webinaire ou une table ronde ;
- L’envoi d’un contenu premium lié au point de douleur identifié (livre blanc, replay de webinaire) ;
- Le partage d’un Use Case comparable au contexte de la cible.
Ne contactez pas tous les comptes simultanément. Privilégiez un déploiement par vagues sur 2-3 semaines, en commençant par les comptes les moins prometteurs pour ajuster le tir entre chaque salve. Chaque vague doit faire l’objet d’un débriefing hebdomadaire pour capitaliser sur les retours terrain.
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Pour l’approche directe, les commerciaux doivent appliquer la règle des 3R :
- Reconnaître le contexte passé sans trop en faire (« Nous avons travaillé ensemble sur X… »)
- Recontextualiser la prise de contact (« Depuis, nous avons développé Y… »)
- Recentrer sur la nouvelle proposition de valeur ou la résolution de la friction qui a causé le départ (« Ce qui pourrait vous intéresser aujourd’hui, c’est Z… »)
Équipez vos commerciaux d’un kit d’objections anticipées avec réponses calibrées aux questions sensibles : « Pourquoi revenir vers nous maintenant ? », « Qu’est-ce qui a changé depuis ? », « Quelles garanties m’offrez-vous ? ». Ce playbook doit être construit à partir des retours des premiers contacts et enrichi au fil de la campagne.