La reconnaissance du bien-être au travail en tant que levier de performance prend de l’ampleur dans l’entreprise, à fortiori dans les secteurs en pénurie de talents qui doivent muscler leur marque employeur pour attirer et fidéliser les meilleurs.
Mais si les entreprises se préoccupent davantage de la santé mentale de leurs salariés, les managers restent à la marge, au point de rapporter des difficultés psychologiques plus importantes que leurs collègues non-encadrants. Pris en tenaille entre leurs propres défis et la tâche ardue d’accompagner et de piloter leurs équipes, leur situation mérite une attention particulière, comme le révèle la 3e édition du baromètre Alan x Toluna x Harris Interactive.
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Santé mentale en entreprise : les salariés prennent (un peu plus) la parole
Progressivement, les collaborateurs lèvent le voile sur leur ressenti en matière de santé mentale et de qualité de vie au travail. La parole se libère-t-elle enfin ? Pas vraiment, car nous sommes encore très loin des confidences faites au manager sur des sujets comme la dépression, la quête de sens, le deuil et la maladie.
En revanche, les collaborateurs semblent un peu plus enclins à partager leurs difficultés avec leurs supérieurs. Cette plus grande transparence est une opportunité majeure pour les RH et les managers qui ont davantage de billes pour identifier et remédier aux situations problématiques.
Les chiffres du baromètre Alan x Toluna x Harris Interactive sont révélateurs : 59 % des Français considèrent que leur bien-être psychologique est davantage pris en considération par leur employeur, soit une progression de 5 points en une année. En parallèle, 55 % des salariés rapportent la mise en œuvre par leur entreprise de mesures concrètes pour soutenir leur bien-être, soit une hausse significative de 12 points par rapport à février 2022.
Mais il y a un grand paradoxe. Si les dirigeants semblent se saisir de la question de la santé mentale de leur capital humain, ils ont du mal à communiquer efficacement sur leurs efforts, mais aussi à généraliser les bénéfices de cette approche sur l’ensemble des collaborateurs. Ainsi :
- Seuls 39 % des salariés se disent « bien informés » sur les initiatives déployées par l’entreprise en faveur de leur bien-être au travail ;
- Les salariés qui opèrent sur le terrain sont ceux qui ressentent le moins les bénéfices des mesures prises par leur entreprise en faveur de leur bien-être (42 %), loin derrière les salariés de bureau (75 %).
L’aspect le plus frappant de cette étude reste la manière dont les salariés choisissent de communiquer sur leur santé mentale. Bien que le tabou semble s’estomper lentement mais sûrement (44 % en parlent ouvertement aujourd’hui contre 38 % il y a un an), la confiance dans la hiérarchie directe est limitée, et la majorité des salariés préfèrent s’adresser à des professionnels de santé (66 %), leurs proches (62 %) et leurs collègues de travail (54 %). Les managers arrivent en dernier (44 %).
Ce constat interroge profondément le rôle et la formation des managers. Ils sont en première ligne, en contact direct avec leurs équipes, et pourtant, ils ne semblent pas outillés pour gérer ces sujets délicats. Est-ce le reflet d’une formation managériale axée davantage sur les compétences techniques que sur les soft skills ? Est-ce lié à une culture d’entreprise qui privilégie la performance au détriment du bien-être ? Selon les auteurs de l’étude, nous sommes ici dans un cas classique de « cordonnier mal chaussé ».
Managers : une satisfaction de façade, un mal-être latent
Plus de la moitié des managers (51 %) se disent satisfaits du niveau de leur bien-être au travail, un score supérieur de 13 points à celui du personnel non-encadrant. Cette différence peut s’expliquer par une plus grande aisance financière et un statut social plus confortable. Néanmoins, sous cette apparente satisfaction se cache une réalité plus nuancée. En comparaison avec les salariés non-managers, les managers ressentent davantage de difficultés psychologiques :
- Angoisse : 46 % chez les managers contre 35 % chez les autres collaborateurs ;
- Inquiétude : 57 % chez les managers contre 46 % chez les non-managers ;
- Stress : 62 % contre 53 % ;
- Tristesse prolongée : 41 % chez les managers contre 31 % chez les autres.
- Fatigue : 68 % contre 62 %.
En plus de la pression constante pour atteindre les objectifs et une inflation galopante qui complique la gestion des budgets, les managers sont non seulement attendus sur leurs compétences techniques, mais aussi sur des compétences transversales comme la transmission de leur expertise, le pilotage de la productivité et le bien-être de leurs équipes, tout en gérant le bouleversement des habitudes de travail (télétravail, travail hybride) et les craintes qui peuvent y être associées.
Notons également que la digitalisation et les réorganisations internes, nécessaires pour préserver la compétitivité de l’entreprise, génèrent des attentes et des tensions.
Malgré leur volonté de mener ces transformations, les managers se heurtent souvent à un manque de soutien de leur hiérarchie, qui devrait pourtant leur fournir les outils nécessaires à la conduite du changement. Cette situation rend leur métier d’autant plus complexe et les place dans une position inconfortable où ils doivent satisfaire à la fois leur hiérarchie et leurs équipes. C’est pourquoi 41 % des managers se sentent aujourd’hui « isolés ».
Conscients des nombreux défis auxquels sont confrontés leurs supérieurs, les salariés non-encadrants témoignent d’une certaine empathie à leur égard. Étonnant : seuls 9 % d’entre eux disent avoir « fortement envie » d’encadrer, et plus de 67 % ne souhaitent tout simplement pas exercer de fonctions managériales, malgré l’avantage financier et statutaire.
Bien-être au travail : que demandent les managers ?
Réajustement salarial : une question de reconnaissance
Pour 31 % des managers, une révision salariale serait un moyen de reconnaître la hausse de leurs responsabilités et le poids croissant de leurs missions. Plus qu’une simple augmentation, c’est un signe tangible de reconnaissance de la valeur qu’ils apportent.
Formation continue : nourrir l’intellect et affiner les compétences
Une partie significative des managers (30 %) exprime le besoin de formations actionnables. Au-delà de la maîtrise technique, les enjeux résident dans la gestion des risques psychosociaux et dans l’adoption de postures bienveillantes et efficaces face aux difficultés des équipes. La formation doit ainsi devenir un pilier central dans la stratégie de gestion des talents managériaux.
Un soutien renforcé : écoute et accompagnement
La demande est claire pour 29 % des managers : ils ont besoin de plus de soutien. Cet accompagnement peut se traduire par une écoute plus active de la part de la hiérarchie, un mentorat ou encore des ressources et outils adaptés pour faciliter leur mission d’encadrement.
Évaluation adaptée : reconnaître les réalités du terrain
Près d’un manager sur trois (27 %) souhaite que les contraintes et défis spécifiques de leur rôle soient davantage pris en compte lors des évaluations de performance. Cela sous-entend une approche plus nuancée, qui reconnaît les subtilités du rôle managérial.
Ressources pour le développement des équipes : investir dans l’avenir
L’accompagnement des équipes dans leur montée en compétence est essentiel pour 25 % des managers. Ils cherchent non seulement à améliorer la performance de leurs équipes, mais également à assurer leur épanouissement professionnel. Pour cela, ils ont besoin de ressources mais aussi et surtout de temps.
Perspectives de carrière : une vision à long terme
Enfin, 22 % des managers souhaitent avoir une meilleure visibilité sur les opportunités d’évolution professionnelle.