Le temps des décideurs est probablement l’une des ressources les plus rares et les plus précieuses du business. Pourtant, nous persistons, nous commerciaux et marketeurs, à la solliciter gratuitement, comme si cette demande échappait à la loi de l’offre et de la demande, pourtant pilier majeur de l’économie moderne.
Et si cette anomalie expliquait, au moins en partie, les difficultés de la prospection B2B ? Décryptage…
Plus une ressource est rare, plus l’accès doit être régulé
Dans presque tous les autres domaines, la rareté impose son prix : l’espace publicitaire se vend au CPM, les bases de données se monétisent au lead, et même une simple mise en relation peut faire l’objet d’une transaction.
Mais lorsqu’il s’agit de capter l’attention d’un décideur, on continue d’espérer la gratuité, comme si le temps du prospect était une ressource banale et illimitée.
Cette logique pose problème. Plus une ressource est rare, plus elle est convoitée, et plus l’accès devrait être régulé. Pourtant, dans la prospection B2B, c’est souvent l’inverse qui se produit : plus un décideur est occupé, plus il reçoit de sollicitations intempestives.
C’est donc tout naturellement que son agenda devient chaotique, jusqu’à prendre des mesures drastiques pour repousser les approches commerciales. Résultat : les commerciaux peinent à décrocher des rendez-vous, et lorsqu’ils y parviennent, la moitié de ces rendez-vous se soldent par un no-show ou un échange expéditif, faute d’un engagement réel du prospect.
💡 Le chiffre à connaître : le taux d’ouverture des emails de prospection se situe entre 1 et 5 %. En clair, il faut envoyer 10 000 emails pour que 100 à 500 soient simplement lus.
Il est peut-être temps de repenser les règles du jeu
On peut donc légitimement s’interroger : et si cette approche reposait sur un présupposé erroné, surtout à l’ère de l’infobésité et des campagnes de prospection automatisées (et de masse) ? Après tout, si un rendez-vous avec un décideur est si difficile à obtenir, n’est-ce pas précisément parce qu’on ne lui attribue aucune valeur marchande ?
À l’inverse, si décrocher un rendez-vous impliquait un échange clair de valeur (monétaire ou autre), le prospect ne serait-il pas plus impliqué, plus préparé, et plus ouvert à la discussion ? Peut-être est-il temps de repenser les règles du jeu.
Monétiser ses rendez-vous à fort potentiel : vers une nouvelle approche de la prospection B2B ?
La monétisation d’un rendez-vous commercial peut prendre plusieurs formes, toutes basées sur un principe simple : reconnaître explicitement la valeur du temps accordé. Cette compensation peut être :
- Directe : une rémunération financière du temps passé en rendez-vous, calculée sur la base du taux horaire moyen du décideur ;
- Indirecte : un don à une association choisie par le prospect ;
- En nature : l’accès à des ressources exclusives (études de marché, benchmarks sectoriels, données stratégiques) ;
- Sous forme d’expertise : une mini-consultation gratuite sur un sujet d’expertise du commercial avant d’aborder l’offre commerciale ;
- Via un système de points convertibles : accumulation de crédits utilisables pour des services premium, formations ou événements.
Cette approche change la dynamique de la relation commerciale : le prospect n’est plus sollicité gratuitement, mais invité à un échange de valeur équitable. L’objectif n’est pas de « payer pour vendre » (Pay to Sell), mais de créer un cadre où le temps de chacun est respecté et valorisé.
Côté entreprise, cette compensation n’est pas une perte sèche, mais un coût de prospection qui viendra se greffer au Coût d’Acquisition Client (CAC), au même titre que la vidéo sur LinkedIn ou un emailing, par exemple.
D’ailleurs, c’est une pratique de plus en plus courante dans le B2B, surtout dans les pays anglo-saxons. Des plateformes comme Intro.co, TapHero ou encore AtomChat permettent aux professionnels d’accepter ou de solliciter des rendez-vous rémunérés. En France, l’heure est encore à l’évangélisation, mais des solutions comme Tisio.fr proposent déjà ce business model, que ce soit pour de la prospection ou du conseil.
Payer ses prospects pour un rendez-vous : plus d’engagement, moins de no-shows
L’un des plus grands problèmes de la prospection commerciale traditionnelle reste l’absence d’engagement réel du prospect.
Accepter un rendez-vous ne lui coûte rien. Il peut donc l’oublier, le déprioriser ou l’annuler à la dernière minute sans conséquence. C’est pourquoi la prospection classique est souvent associée aux symptômes suivants :
- Des taux de no-show élevés ;
- Des échanges souvent bâclés ;
- Un prospect passif et peu réceptif.
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Mais lorsque le décideur perçoit une valeur en échange de son temps (qu’il s’agisse d’une compensation financière, d’un accès exclusif à des informations stratégiques ou d’un autre bénéfice concret), la dynamique est différente.
Moins d’annulations et de no-shows
Un rendez-vous rémunéré, même indirectement, est un engagement. Le prospect est rémunéré. Il est lié à ce rendez-vous par un contrat implicite. Un décideur qui sait qu’il recevra une étude sur son marché ou un don à une association de son choix aura mécaniquement moins de raisons d’annuler à la dernière minute.
Des échanges plus constructifs et (parfois) préparés
Lorsqu’un prospect reçoit quelque chose en contrepartie de son temps, il ne vient plus « en touriste ». Il est plus enclin à se renseigner en amont, à formuler des questions pertinentes, voire à préparer le rendez-vous.
La conversation devient plus fluide, plus porteuse, et le taux de conversion final peut s’améliorer, toutes choses étant égales par ailleurs.
Une prospection ultra-ciblée
Payer un prospect pour un rendez-vous vous obligera à sélectionner avec soin les profils à contacter, un peu dans une logique ABM. Il n’est plus question d’envoyer des messages en masse et d’espérer un retour à l’aveuglette. La prospection rémunérée pousse l’entreprise à travailler son ciblage dans les règles de l’art.
Un facteur de différenciation
Le commercial ne « quémande » pas l’attention du prospect. Il lui propose un échange équitable. Il n’est donc plus perçu comme un énième vendeur qui cherche à dérouler un pitch, mais plutôt comme un interlocuteur perspicace, audacieux, qui reconnaît la valeur du temps de l’autre.
Un levier de différenciation
Quand avez-vous reçu une demande de rendez-vous rémunérée ? Probablement jamais, ou très peu. Dans un océan de sollicitations commerciales génériques, proposer une contrepartie tangible pour l’attention d’un prospect crée instantanément un effet de surprise, et donc un facteur de différenciation, ne serait-ce que sur la forme (dans l’objet de l’email, par exemple).
La prospection rémunérée : à tester, mais avec discernement
Payer ses prospects pour un rendez-vous ne remplacera jamais l’intérêt intrinsèque pour une offre. Une mauvaise proposition restera une mauvaise proposition, même en l’échangeant contre une gratification. Mais cette approche ouvre une réflexion plus large sur l’évolution de la relation commerciale dans le B2B.
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Le modèle classique de prospection repose sur une asymétrie où le commercial demande un échange sans apporter de garantie en retour. Or, dans un environnement où l’attention est une ressource rare et où l’excès de sollicitations devient un frein, les règles du jeu évoluent. Introduire une logique de compensation (financière, informationnelle ou autre) ne revient pas à acheter du temps, mais à structurer un cadre où chaque partie trouve un bénéfice immédiat, ce qui renforce l’engagement et la qualité des échanges.
Faut-il pour autant généraliser cette pratique ? Probablement pas. Mais elle a le mérite de poser une question intéressante : et si la valeur perçue d’un rendez-vous influençait directement son issue ? Peut-être que la prospection B2B de demain ne sera plus un modèle binaire entre gratuité totale et transaction pure, mais un système hybride où les formes d’échange évolueront en fonction du contexte, du secteur et du niveau de maturité du prospect.