La vraie valeur d’un client ne se mesure pas au chiffre d’affaires généré en année N, mais à la capacité de ce client à générer une marge nette cumulée sur toute la durée de la relation.
Ne pas intégrer cette perspective, c’est prendre le risque de prioriser des comptes peu rentables… et ne pas s’en rendre compte. Si vous êtes dans ce scénario, vous perdez très probablement plusieurs points de croissance chaque année car :
- Les commerciaux concentrent leurs efforts sur des comptes à faible LTV, uniquement parce que le panier d’entrée est élevé, alors que les récurrences sont faibles et l’up/cross-sell inexistant.
- Les arbitrages dans l’allocation des ressources sont biaisés : des comptes grands comptes accaparent du temps homme alors que certains mid-market ont une meilleure rentabilité projetée ;
- Le coût d’acquisition est mal interprété. En réalité, un CAC élevé peut être parfaitement sain sur une cible à LTV élevée… encore faut-il la calculer pour ne pas renoncer trop vite à un client qu’on croit peu rentable ;
- La segmentation marketing et les campagnes ABM sont mal calibrées, faute de vision sur les (vraies) trajectoires de rentabilité ;
- La construction du portefeuille dévie progressivement de l’objectif de rentabilité, car l’effort commercial n’est pas fléché vers les typologies les plus profitables.
À lire également : Vente B2B : voici les 5 profils à convaincre dans le comité d’achat de vos prospects grands comptes
Autre biais possible : les directions commerciales privilégient souvent les secteurs les plus dynamiques à court terme, sans voir que certaines verticales plus lentes à signer sont, sur la durée, les plus fidélisées et les plus génératrices de marge nette récurrente.
En calculant la Customer Lifetime Value (voir notre article), vous allez baser vos décisions commerciales sur des bases économiques solides, que ce soit la répartition de la force de vente, le temps de vos Customer Success Managers (CSM) ou la segmentation/ciblage en prospection.
#2 À qui confier l’analyse CLV, combien de temps prévoir, et comment l’exploiter ?
Le calcul de la Customer Lifetime Value est l’affaire de trois « services » :
- La direction commerciale pilote l’exercice et fournit les données terrain (durée de vie client, upsell, churn…) ;
- La direction financière fournit les données de marge et de coût (via la comptabilité analytique) ;
- Le pôle Data ou un consultant externe peut intervenir pour consolider les sources et fiabiliser les calculs.
Durée de l’analyse : entre 5 et 10 jours ouvrés dans les PME et les ETI si les données sont disponibles et cohérentes, et entre 3 et 6 semaines dans les grandes entreprises (ou les PME qui n’ont pas la Data nécessaire).
À lire également : L’éternel chantier de l’alignement Sales & Marketing : et si le vrai problème, c’était la grille des primes ?
Le livrable est un tableau qui indique la LTV pour chaque client ou groupe de clients. Il peut :
- être intégré dans le CRM (fiche client, priorisation du portefeuille) ;
- servir à classer les comptes dans un dashboard ;
- ou alimenter un scoring dans les outils de prospection et de fidélisation.
L’objectif ici est purement opérationnel : ajouter une donnée très importante pour réorienter l’effort commercial. Les décisions prises à partir de ce calcul peuvent concerner :
- la répartition des comptes entre commerciaux ;
- l’arbitrage entre acquisition et fidélisation ;
- la justification économique d’un CAC élevé ;
- la couverture différenciée par les équipes CSM ;
- ou la sélection des verticales prioritaires pour les actions marketing.
#3 Comment calculer la LTV ? (+ exemple concret)
Ce type de tableau permet de visualiser, par segment client, la valeur nette projetée sur l’ensemble du cycle de vie, en intégrant les revenus récurrents, les opportunités de services additionnels, et les coûts engagés pour acquérir et servir ces comptes.
Formule de calcul
CLV = [(MRR × durée en mois) + (Upsell annuel × durée en mois/12)] × marge brute – CAC − (coût de fidélisation annuel × durée en mois/12 )Typologie client Durée de vie (mois) MRR moyen (€) Upsell / an (€) Marge brute (%) CAC (€) Coût de rétention / an (€) CLV projetée (€) Fidèle, stable, peu exigeant 60 600 300 80 % 2 000 200 29 200 Gros volume, instable 18 3 500 0 60 % 6 000 900 13 200 Multiproduits, forte croissance 36 900 1 200 75 % 2 800 500 33 975 Prix cassé, très volatile 12 400 0 50 % 900 0 1 500
Enseignements du tableau LTV
Le client le plus rentable n’est pas celui qui paie le plus cher chaque mois.
Certains comptes « premium » avec un fort MRR et un onboarding lourd peuvent détruire de la marge sur le cycle complet.
Un client moyen mais stable, avec des opportunités d’upsell réalistes, génère plus de valeur nette qu’un gros compte instable.
L’analyse CLV permet donc de sortir des jugements à l’instant T (grand compte = bon, petit compte = négligeable) pour piloter sur des trajectoires terrain.
Comment identifier les typologies de clients pour ventiler la LTV ?
Étape 1 : regrouper les clients selon des comportements observés
On extrait les données suivantes sur 12 à 36 mois (selon l’ancienneté des comptes) :
- Durée de vie effective (temps entre signature et churn ou dernière facture active)
- Fréquence de commande / facturation
- Historique d’upsell / cross-sell
- Taux de tickets / support par client
- Marge réelle générée
- Temps moyen passé par le CSM ou le commercial
- Nombre de produits activés / usages concrets du service
Étape 2 : appliquer une logique de clustering ou de segmentation empirique
Vous avez deux options : l’approche simple (si peu de volume), ou l’approche automatisée si les flux clients sont importants.
Approche simple (si peu de volume)
Il s’agit de classer manuellement les clients selon des segments simplement en observant les flux :
- Stable, fidèle, peu consommateur de support
- Gros MRR mais très instable
- Client très actif, multiproduits
- Client prix d’appel, très volatile
Pour plus de rigueur, vous pouvez fixer des variables pour chaque segment. Par exemple, le segment « stable » est défini par une rétention supérieure à 36 mois, moins d’un ticket par mois et une marge moyenne supérieure à 50 %.
Approche automatisée (si volume élevé)
On applique un clustering non supervisé (K-means ou DBSCAN par exemple) sur des variables comme :
- La durée de vie ;
- La fréquence de facturation ;
- La marge cumulée ;
- Le nombre de tickets ;
- L’évolution du panier moyen.
Chaque cluster devient un profil-type. On les nomme a postériori (exemple « premium instable », « fidèle rentable », « chronophage peu rentable », etc.).
Étape 3 : associer chaque client à une typologie, puis calculer la CLV moyenne du segment
On obtient une base de clients classés par typologie de comportement, chacun avec :
- une LTV calculée selon la méthode vue plus haut ;
- un profil (utile pour guider la couverture, le pricing, les incentives…).