Le bore-out est un concept qui a émergé dans le milieu des années 2000, lorsque le psychologue anglais Peter Warr, spécialiste des questions de bien-être au travail, a identifié et décrit ce syndrome comme une souffrance associée à « un ennui profond en milieu professionnel ». A l’autre extrême du burn-out, qui est la résultante d’un trop-plein de travail, le bore-out est la conséquence d’un manque d’activités stimulantes ou d’une sous-utilisation des compétences du travailleur. Décryptage…
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Bore-out : de quoi parle-t-on au juste ?
Le terme « bore-out » provient de l’anglais « to bore », qui signifie « ennuyer ». D’un point de vue linguistique, le burn-out est une combustion, tandis que le bore-out est un engourdissement, une stagnation dans un environnement de travail qui ne stimule pas ou peu l’individu, provoquant un sentiment d’insatisfaction et de démotivation profonde.
La compréhension du bore-out a évolué au fil des années. Bien qu’il ne soit pas reconnu en tant que maladie professionnelle dans l’Hexagone, le bore-out est de plus en plus évoqué par les médecins du travail et les salariés, surtout les milléniaux et la génération Z qui évoluent dans des métiers où les tâches sont répétitives et peu stimulantes sur le plan intellectuel. Le bore-out peut également se manifester si le salarié n’est pas mis à contribution à la hauteur de ses capacités et de ses aspirations.
En France, on parle de plus en plus de bore-out depuis 2020, lorsque le tribunal de Paris a reconnu le phénomène pour la première fois comme « une cause d’incapacité de travail », créant un précédent légal qui a permis une prise de conscience plus généralisée.
Ce que le bore-out n’est pas
Le bore-out ne se résume pas à une petite baisse de moral après une journée de travail monotone ou à une envie passagère de changement. Ce n’est pas non plus un prétexte pour échapper à ses responsabilités ou pour justifier un manque d’entrain occasionnel. Les personnes souffrant de bore-out ne sont pas des employés désengagés ou fainéants. Écartons ces préjugés qui nuisent à la compréhension du phénomène.
Il ne faut pas confondre le bore-out avec un simple coup de blues au bureau. Nous avons tous connu des moments où le temps semble figé, où notre quotidien nous semble peu stimulant et où la routine nous donne envie de nous évader. Le bore-out, lui, s’inscrit véritablement dans la durée. Il s’agit d’un état chronique qui s’installe lorsque l’ennui au travail devient une constante sur plusieurs mois.
Aussi, le bore-out ne doit pas être assimilé à un manque d’ambition ou de volonté. En réalité, c’est tout le contraire. Les personnes atteintes de bore-out sont souvent surqualifiées pour leur poste ou possèdent un potentiel sous-exploité qui va générer de la frustration. Elles aspirent à contribuer davantage, à relever des défis, à s’investir dans des tâches stimulantes, mais leur environnement de travail ne leur en donne pas l’opportunité.
Enfin, le bore-out ne peut pas être traité par un simple changement d’attitude ou par un effort supplémentaire demandé à l’employé pour « trouver du plaisir dans son travail ». C’est un problème systémique qui dépasse le cadre de l’individu et nécessite une prise de conscience et une action à l’échelle de l’organisation.
Bore-out : causes et exemples concrets
Le bore-out trouve son origine dans un ensemble complexe de facteurs liés à l’organisation du travail, rarement à la personne concernée. Voici une liste des causes les plus courantes, accompagnées d’exemples concrets pour illustrer chaque facteur.
#1 Monotonie et répétitivité des tâches
C’est la cause la plus évidente du bore-out. Lorsqu’un employé se voit attribuer des tâches routinières et répétitives qui ne requièrent ni réflexion ni créativité, l’ennui peut rapidement s’installer.
Exemple : un employé d’une chaîne de production qui effectue le même geste de façon mécanique pendant toute la journée (bore-out mais aussi et surtout risque de TMS). De même, un salarié qui passe ses journées à trier des documents, sans possibilité de variation ou d’évolution, risque de tomber dans le bore-out.
#2 Sous-emploi
Il s’agit ici des situations où l’employé est « sous-utilisé » ou sous-stimulé, c’est-à-dire qu’il n’est pas appelé à solliciter le plein potentiel de ses compétences et de ses capacités.
Exemple : un ingénieur formé à la gestion de projets complexes qui se voit attribuer des tâches administratives basiques, ou encore un diplômé d’une grande école de commerce qui ne gère que des tâches de saisie de données.
#3 Manque de reconnaissance
Le manque de reconnaissance, tant en termes de feedback que de perspectives d’évolution, peut conduire à un sentiment d’inutilité et de démotivation.
Exemple : un assistant de direction qui, malgré son dévouement et ses performances, ne reçoit jamais de feedback positif ou de perspectives d’évolution de la part de sa hiérarchie.
#4 Absence d’autonomie
Lorsqu’un salarié a peu de contrôle sur ses tâches, son temps et ses méthodes de travail, il peut souffrir d’un sentiment de passivité et de dévalorisation qui va conduire au bore-out.
Exemple : un développeur dans une grande entreprise qui se voit imposer des méthodes de travail rigides et qui ne peut pas proposer ou mettre en œuvre ses propres solutions.
#5 Manque de liens sociaux
L’isolement social au travail, qu’il soit dû à un manque d’interactions avec les collègues ou à une absence de sentiment d’appartenance à l’équipe ou à l’entreprise, peut aussi conduire au bore-out.
Exemple : un salarié qui travaille à distance qui, malgré des réunions en ligne régulières, se sent isolé et déconnecté du reste de l’équipe.
Vous souffrez de bore-out ? Voici quoi faire…
Engager le dialogue avec votre supérieur
Si vous ressentez un ennui profond au travail, la première étape consiste à en parler à votre supérieur hiérarchique. Il est possible que votre manager ne soit pas conscient de votre situation. Préparez-vous à cette discussion de manière réfléchie. Voici comment :
- Analysez votre situation actuelle : avant de rencontrer votre supérieur, faites le point sur votre situation. Qu’est-ce qui vous ennuie précisément ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui pourrait rendre votre travail plus intéressant et stimulant ? Quelles sont les compétences que vous possédez et qui restent sous-utilisées ?
- Demandez une réunion : une fois que vous avez analysé votre situation, demandez une réunion à votre supérieur pour discuter de vos préoccupations. Exprimez votre besoin d’une manière constructive, en montrant que vous cherchez des solutions pour améliorer votre engagement au travail.
- Proposez des solutions : lors de cette réunion, ne vous contentez pas d’exposer vos problèmes. Proposez également des solutions. Vous pourriez par exemple demander à travailler sur des projets plus stimulants, à diversifier vos tâches ou à suivre une formation pour acquérir de nouvelles compétences.
Saisir des opportunités d’apprentissage
L’ennui au travail peut souvent être combattu par l’apprentissage. Si vous vous sentez sous-stimulé, cherchez des opportunités pour acquérir de nouvelles compétences ou pour approfondir vos connaissances. Voici comment :
- Identifiez vos centres d’intérêt et vos besoins de développement : quelles compétences souhaiteriez-vous développer ? Dans quels domaines aimeriez-vous approfondir vos connaissances ? En répondant à ces questions, vous pourrez cibler les bonnes opportunités d’apprentissage.
- Cherchez des opportunités de formation : une fois que vous avez identifié vos besoins de développement, cherchez des opportunités pour les combler. Cela peut se faire à travers des formations internes proposées par votre entreprise ou via des formations externes. De nombreuses plateformes en ligne offrent des cours dans une variété de domaines, souvent à des tarifs très abordables, voire gratuitement.
- Mettez en pratique ce que vous avez appris : l’apprentissage n’est pas seulement une question d’acquisition de connaissances. Il s’agit aussi de mettre ces connaissances en pratique. Cherchez des opportunités pour appliquer ce que vous avez appris, que ce soit dans votre travail ou dans des projets personnels.
Envisagez une reconversion professionnelle
Si malgré vos efforts, vous vous ennuyez toujours au travail, vous devrez peut-être envisager une reconversion professionnelle dans la mesure du possible. C’est une décision majeure qui nécessite une réflexion approfondie. Voici quelques étapes pour vous guider dans ce processus :
- Évaluez vos intérêts et vos compétences : Qu’est-ce qui vous passionne ? Quelles sont vos compétences ? Quelles sont vos valeurs et vos ambitions professionnelles ?
- Explorez différentes options : une fois que vous avez une idée claire de vos intérêts et de vos compétences, explorez différentes options de carrière. Parlez à des personnes qui travaillent dans les domaines qui vous intéressent, recherchez des informations en ligne, participez à des salons de l’emploi ou à des événements de networking. Ne négligez pas la viabilité économique du secteur d’activité visé, et assurez-vous d’avoir suffisamment d’épargne pour relever le défi.
- Élaborez un plan de transition : une fois que vous avez choisi une nouvelle voie, élaborez un plan pour faire la transition. Cela peut impliquer de suivre une formation supplémentaire, de chercher un emploi à temps partiel dans votre nouveau domaine pour acquérir de l’expérience ou de démarrer un projet parallèle tout en conservant votre emploi actuel, si votre contrat le permet.
La « lutte » contre le bore-out est un processus, et non une action ponctuelle ou éphémère. Il vous faudra du temps, de la patience et de la persévérance pour opérer des changements significatifs et tendre (un peu) vers le métier « passion ».