Un taux de conversion élevé, c’est flatteur. Mais ça peut être une très mauvaise nouvelle. Surtout dans les équipes marketing et growth qui pilotent à la performance et qui cherchent des Quick Wins, parfois pour des raisons « politiques ».
Un MQL sur deux qui passe en SQL, ça fait plaisir en comité de direction… mais est-ce que ça signe ? Est-ce que ça se transforme en cash à terme ?
Parce que si derrière, les rendez-vous n’aboutissent pas, les opportunités n’avancent pas, et les commerciaux s’usent, ce taux n’est pas un indicateur de performance. C’est un leurre. Et un leurre qui coûte cher en budget média, en bande passante commerciale et en manque à gagner.
On vous présente un taux de conversion qui dépasse vos benchmarks ? Avant de vous réjouir, prenez 5 minutes pour vous poser les bonnes questions. Décryptage…
L’histoire d’une PME qui affichait 42 % de conversion… avant d’exploser en vol
Le nouveau CMO vient d’arriver, avec pour mission de dynamiser la génération de leads. Première consigne à son équipe : « Faites mieux que l’année dernière…plus de volume, plus vite. Et surtout, montrez-le). Résultat : l’équipe marketing s’est concentrée sur le KPI le plus facile à booster : le taux de conversion MQL > SQL.
Pour y arriver, elle a tout simplement élargi les mailles du filet, avec la bénédiction du nouveau CMO, car il faut un Quick Win. Là où, auparavant, un lead était qualifié après un vrai échange ou un signal d’intérêt fort, on s’est mis à considérer comme MQL n’importe qui téléchargeait un livre blanc, cliquait sur un lien ou s’inscrivait à un webinaire sans y assister.
Pendant trois mois, le taux de conversion grimpe en flèche. Jusqu’à 42 %. Sur le papier, c’est la fête. Tableaux de bord au vert. Félicitations du board. Présentation PowerPoint en comité de direction.
Mais côté force de vente, c’est une autre histoire. Les juniors de l’équipe SDR passent leurs journées à appeler des contacts sans budget, sans projet, parfois même sans savoir qu’ils ont rempli un formulaire. Les no-shows s’enchaînent. Les objections sont vagues, les cycles de vente déraillent.
Sauf qu’en interne, personne n’ose critiquer la machine. On préfère pointer du doigt les commerciaux. « Ils sont encore trop junior », « Ils ne transforment pas. » « Ils manquent de pugnacité. » « Ils n’ont pas le bon pitch. »
Au bout de trois mois :
- Le pipe est rempli de leads hors cible ;
- Le taux de closing s’effondre ;
- L’équipe Sales s’épuise et gaspille des ressources ;
- Et les juniors, qui n’ont ni le recul ni les codes politiques, se font recadrer en 1-to-1.
Et le plus ironique dans l’histoire, c’est que le fameux 42 % reste affiché comme un trophée dans le reporting global.
Ce scénario est malheureusement très courant dans les PME en croissance qui cherchent à « industrialiser » leur LeadGen sans toucher au fond du sujet : la qualité du point d’entrée. Un bon taux de conversion n’est pas un indicateur fiable s’il est construit sur des critères de qualification au rabais. C’est même le vanity metric le plus dangereux.
Taux de conversion élevé : 4 questions à se poser pour trancher
Un taux de conversion élevé peut vouloir dire deux choses opposées :
- Soit votre système d’acquisition est très bien huilé ;
- Soit il est devenu une vitrine marketing permissive et complètement déconnectée de ce qui se passe après le MQL.
En LeadGen, les faux positifs sont monnaie courante. Surtout si les critères de qualification ont été revus à la baisse pour soigner les stats et enjoliver un rapport. Ce n’est pas parce qu’un contact passe d’une case à l’autre dans le CRM que la vente progresse dans la réalité.
Pour savoir si votre taux est un vrai bon signal ou une simple vanity metric, posez-vous les quatre questions suivantes.
Question #1 : qui sont vraiment ces leads ?
Avant de vous réjouir du taux de conversion, il faut vous demander ce qu’on a mis dedans. Parce qu’un MQL reste une invention maison : chaque boîte, voire chaque équipe fixe ses propres critères. Certains exigent une vraie intention (prise de contact, rendez-vous calé, fiche entreprise complète), d’autres se contentent d’un email et d’un téléchargement.
Alors quand le taux grimpe de manière un peu suspecte, on doit vérifier ce qu’il y a dans la boîte. Est-ce qu’on parle de leads qualifiés ou juste de remplissage ?
Voici un bon premier test : prenez quelques MQL récents et analysez les profils. Est-ce que vous avez :
- des adresses mail personnelles (@gmail, @yahoo, etc.) ?
- des étudiants, des stagiaires ou des indépendants hors cible ?
- des fonctions très éloignées du cœur de cible ?
- des doublons ou des contacts anciens requalifiés artificiellement ?
Si la réponse est « oui » à plusieurs de ces points, le taux ne dit plus rien. Il mesure juste une dérive de la définition du MQL. Et dans ce cas, il ne faut pas s’étonner que les commerciaux ne transforment pas… ce qui nous amène au point suivant.
Question #2 : est-ce que les commerciaux parviennent à décrocher un rendez-vous ?
C’est l’étape la plus basique du tunnel, mais elle dit beaucoup. Si les SDR ou les Account Executives peinent à obtenir un premier échange avec les leads soi-disant qualifiés, il y a un problème. Pas besoin d’aller chercher un funnel à huit étages : commencez par regarder ce taux de prise de rendez-vous.
On voit parfois des taux de conversion MQL > SQL très élevés… mais derrière, les commerciaux se débattent pour décrocher un créneau. Pas de réponse aux relances, refus de rendez-vous, ou pire : aucun souvenir d’avoir rempli un formulaire.
Un taux élevé de no-show ou de « ghosting » dès le premier contact est souvent le symptôme d’un marketing trop permissif. Quand on élargit les critères pour faire du chiffre, on finit par nourrir la force de vente avec des contacts non sollicités ou complètement hors ICP.
Et plus ces tentatives échouent, plus les commerciaux perdent du temps, s’essoufflent, et finissent par douter de la qualité des leads. Stade suivant : même les bons leads passent à la trappe, car noyés dans la masse. Le ROI de votre effort commercial devient alors catastrophique (car la force de vente est rare et chère).
Question #3 : est-ce que ces opportunités avancent vraiment dans le tunnel ?
Un taux élevé de MQL > SQL peut remplir artificiellement votre CRM de « deals ouverts »… qui n’en sont pas. Ils restent bloqués au stade de départ, sans cadrage, sans relance, sans décisionnaire clairement identifié.
Ils gonflent le pipe mais ne génèrent aucune avancée. Le pire, c’est qu’ils donnent l’illusion d’un deal en cours, alors qu’il ne s’est rien passé depuis le premier contact.
Prenez 10 opportunités ouvertes générées via LeadGen sur le dernier mois. Et vérifiez point par point :
- Dernière activité enregistrée (appel, mail, réunion, note) : est-ce qu’il y a quelque chose de récent, ou bien c’est silence radio depuis l’ouverture ?
- Prochaine action planifiée : est-ce qu’un rendez-vous est calé avec un objectif clair, ou est-ce que le champ est vide ?
- Interlocuteur principal : est-ce un décisionnaire ? Est-ce que son poste est renseigné dans la fiche ?
- Stade dans le tunnel : est-ce que l’opportunité est restée bloquée au même stade depuis son ouverture, ou y a-t-il eu un avancement ?
Si plusieurs fiches cumulent l’absence d’activité, l’absence de date de relance, un contact peu qualifié et un statut figé… ce ne sont pas des opportunités. Ce sont des faux positifs, probablement pour faire joli.
Question #4 : est-ce que les leads convertis finissent… par acheter ?
Un taux de conversion élevé n’a de valeur que s’il débouche sur des résultats concrets. Pas des contacts engagés. Pas des fiches CRM complètes. Pas des opportunités ouvertes. Des ventes. Des signatures. Des euros.
Alors posez la seule question qui compte : combien de ces leads MQL > SQL ont généré un deal signé dans les trois derniers mois ?
Ouvrez votre CRM ou demandez un export propre. Filtrez les SQL générés sur une période cohérente avec la durée de votre cycle de vente typique. Puis vérifiez combien ont été marqués comme « gagnés », et pour quel montant. Ne regardez pas la volumétrie brute. Regardez plutôt :
- Le taux de closing réel (SQL > won) ;
- Le montant moyen signé ;
- Et le délai moyen de transformation.
Comparez ces chiffres avec les campagnes précédentes, ou avec d’autres canaux plus qualitatifs (cooptation, prospection ciblée, etc.). Si vous constatez que vos leads « ultra convertis » ne signent ni plus souvent, ni plus vite, ni plus cher, vous avez votre réponse.
Un bon taux de conversion n’est jamais une fin en soi. C’est une promesse. Et comme toute promesse, elle ne vaut que si elle est tenue.