L’IA générative fascine. Elle écrit si bien, si vite, avec tant de fluidité qu’on en oublierait presque sa nature profonde : c’est une machine à probabilités. Elle ne crée pas, elle prédit, en assemblant les mots selon leur probabilité d’occurrence, sur la base des milliards de textes qui l’ont nourrie.
Cette mécanique probabiliste fait à la fois sa force et sa limite. Sa force, car elle permet de produire rapidement du contenu pertinent, bien structuré, jamais vraiment hors sujet. Sa limite, car par définition, le « contenu le plus probable » est rarement le plus intéressant pour le lecteur. L’expertise réelle naît souvent de connexions inattendues, d’angles neufs, de prises de position qui dérangent… tout ce que l’IA tend à éviter.
Mais réduire l’IA à cette tension serait une erreur. Car elle ouvre aussi la voie à une nouvelle forme d’expertise : l’expertise augmentée, où la technologie amplifie la pensée humaine au lieu de la remplacer. Un brief (prompt) nourri d’insights originaux, porté par une vraie vision, démultiplié par la puissance de l’IA… C’est probablement là que se joue l’avenir du marketing de contenu.
L’IA générative et le syndrome du contenu « le plus probable » : la fabrique de l’interchangeable
L’IA générative ne crée pas, elle prédit, elle fait des mathématiques… et c’est impressionnant. Sa mission, c’est d’assembler des mots selon les probabilités les plus élevées, en fonction des milliards de textes qu’elle a digérés. Résultat : un contenu fluide, bien structuré, rarement, voire jamais hors-sujet. C’est parfait pour rédiger vite, pour reformuler, pour synthétiser. Un gain de temps évident pour les équipes marketing, qui doivent travailler sur le ROI de leurs actions.
Mais ce qui fait sa force fait aussi sa faiblesse. L’IA ne réfléchit pas, elle fait de la statistique. Elle privilégie ce qui ressemble le plus à ce qui a déjà été écrit sur un sujet et, par construction, ce qui a le plus de chances de constituer un « output satisfaisant » pour le donneur d’ordres, qui est donc l’utilisateur.
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Il n’y aura pas d’association inattendue, pas de prise de risque, pas de coup de génie. Juste la version la plus probable (souvent la plus consensuelle) d’un sujet. Une reformulation certes habile, mais rarement une rupture.
Et pour un CMO, c’est à ce niveau que ça peut coincer. Parce que du contenu propre, bien écrit, aligné avec ce qui se fait ailleurs… ça n’a jamais fait la différence. Ce qui capte l’attention, c’est l’angle que personne n’a encore vu venir, la prise de position qui détonne, l’idée qui fait tilt. Or, si tout le monde alimente les mêmes modèles d’IA avec les mêmes inputs, tout le monde finit par sortir les mêmes idées polies, digestes… et oubliables. C’est l’avènement du contenu de reformulation.
Mais ne nous leurrons pas : l’IA n’est pas condamnée à l’uniformité. Si l’input (le prompt) contient une perspective originale, une prise de position tranchée, l’IA pourra la développer en respectant cette ligne directrice. Certes, la mécanique de génération restera probabiliste, mais elle prolongera une idée originale et aboutira sur un contenu plus différencié.
Se reposer sur l’IA alimentée par des prompts génériques, sans fond, c’est choisir d’exister dans le flux des contenus sans jamais le perturber, sans jamais « surfacer ». C’est soumettre sa marque au syndrome du contenu « le plus probable ».
Qualité de l’input + IA = l’irrésistible duo pour un Thought Leadership qui convertit
Le mécanisme est implacable : nourrie de prompts génériques, l’IA générative produit des contenus qui se fondent dans la masse. Non pas parce qu’ils sont mauvais (ils sont souvent bien structurés, bien écrits), mais parce qu’ils manquent cruellement de densité intellectuelle, d’angles inattendus, de prises de position marquées.
Sur LinkedIn par exemple, plus de la moitié des posts diffusés en 2024 ont été rédigés par l’IA, comme nous l’expliquons ici. Les fils d’actualité débordent de posts sur le leadership, la transformation digitale, la RSE… Tous techniquement corrects, tous porteurs des mêmes messages, des mêmes structures, des mêmes conclusions. Au final, l’utilisateur se noie dans un scroll infini où rien n’accroche vraiment l’œil ou l’esprit.
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Cette standardisation n’est évidemment pas une fatalité. C’est même une belle opportunité pour les marques qui peuvent jouer la carte de la différenciation par l’expertise (fond) et le ton (forme).
C’est peut-être cliché de le dire, mais…
…l’IA générative n’est qu’un outil. Puissant certes, mais qui dépend entièrement de la qualité de son input. Un brief dense, nourri d’expertise, d’exemples et de points de vue tranchés, permettra à l’IA de développer un contenu qui sort du lot. Ce n’est pas l’outil qui est en cause, c’est :
- Le temps qu’on veut bien consacrer à la création du contenu par l’IA ;
- Le talent du donneur d’ordre.
En réalité, rien ne change vraiment par rapport à avant 2022. Les marques qui proposaient des contenus intéressants se démarquaient de la concurrence par un process de création de contenu rigoureux, où chaque contenu :
- Fait l’objet d’un vrai brief à l’équipe créative (vs. un calendrier éditorial qui donne uniquement le titre du contenu à produire) ;
- Implique la participation d’un expert du sujet traité ;
- Est rédigé dans un ton idiomatique et naturel (vs. encyclopédique et académique).
Pour les équipes marketing, le défi n’est donc pas technique mais intellectuel : comment nourrir l’IA avec un brief suffisamment dense et original pour qu’elle produise un contenu qui se démarque ? Et la réponse est relativement évidente : en lui donnant un excellent brief, comme on le faisait avec son rédacteur ou copywriter avant 2022… et en confiant à ce dernier le soin de faire le fact-checking, d’insuffler son talent, son humanité et sa sensibilité dans le contenu.
L’IA et la connaissance métier pour construire l’expertise augmentée
L’équation est claire : l’IA est un excellent exécutant et dépasse l’humain sur ce terrain, sur tous les fronts (rapidité, coût, rigueur…). Mais elle ne remplace pas (encore) une réflexion de qualité. Les marques qui parviendront à imbriquer la technologie et l’humain atteindront le graal de l’expertise augmentée. Elle repose sur un triptyque :
- Des experts métier qui identifient les angles pertinents et apportent la profondeur d’analyse. Ils peuvent aussi porter le discours de manière nominative (vs. un contenu anonyme) ;
- Des équipes créatives qui savent transformer ces briefs en prompts puissants ;
- L’IA qui démultiplie l’impact en permettant des déclinaisons rapides et cohérentes.
La réduction drastique des coûts de production qui en découle permettra enfin aux CMOs de parler le langage des directeurs financiers. Baisse du ROI des actions marketing, des coûts maîtrisés, une belle scalabilité… autant d’arguments qui facilitent la négociation des budgets.
Le véritable enjeu est donc organisationnel. Comment structurer ses équipes pour maximiser cette complémentarité ? Comment former ses experts à travailler avec l’IA sans perdre leur singularité ? Comment maintenir un niveau d’exigence élevé dans un contexte de production accélérée ?