A l’occasion des 10 ans du BtoB Summit, BtoB Leaders a eu le plaisir d’échanger avec Bertrand Dosseur, CMO du groupe Explore, sur les bouleversements de la pratique marketing lors de la dernière décennie.
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Pouvez-vous revenir brièvement sur votre parcours professionnel et la proposition de valeur de votre entreprise ?
Je suis un pur profil littéraire, avec un passage en prépa Lettres puis la Sorbonne pour des études d’Histoire… tout ça pour finir dans le marketing ! Ce qui ne m’a pas empêché de reprendre le chemin de l’école en suivant un Mastère en Data Strategy il y a deux ans…
J’aime assez ce mélange des genres, propre aux métiers du marketing : des idées, du contenu, de l’analytique et une pointe de techno… Après un parcours en institut d’études et en agence marketing-communication, j’ai rejoint EXPLORE comme Directeur Marketing il y a maintenant 9 ans pour accompagner la croissance de cette belle PME nantaise, désormais EXPLORE Group, avec l’arrivée de 4 nouvelles entités orientées Data : Gestinnov, CODATA, Societeinfo et Wanao-Sendao, soit 280 collaborateurs basés de Namur à Marrakech, en passant par Paris et Bidart.
Nous sommes aujourd’hui leaders de l’information économique et commerciale sur un certain nombre de marchés en BtoB, en particulier l’immobilier, la construction et le service à l’entreprise.
Quelle est, selon vous, la différence majeure entre le CMO du début des années 2010 et le CMO d’aujourd’hui ?
Je ne dispose malheureusement que de 9 ans d’expérience… j’aurais donc du mal à faire une analyse décennale pure et parfaite ! D’autant qu’il faut nécessairement distinguer les différents « métiers » du marketing (stratégique, produit, acquisition…).
Dans tous les cas, on peut parler de digitalisation massive des métiers au travers de la multiplication de solutions ad hoc… à tel point que l’on parle désormais de « marketing stack » à toutes les étapes du parcours (ciblage, tracking de visiteurs, engagement, closing, proposal management…). C’est tout un ensemble de micro-solutions au service de la productivité et de la performance marketing et commerciale qui tendent à s’imposer et à converger, à minima chez les grands éditeurs, à grand renfort de connecteurs pour les autres.
Pivot central de cet écosystème, le CRM est devenu l’interface essentielle des différentes parties prenantes du marketing et des ventes, mais il s’étend également vers d’autres entités, du Support Client et de la Direction Financière dans une vision de plus en plus unifiée. Après des années de tâtonnement, on peut dire qu’on atteint aujourd’hui une forme de maturité via des solutions plus « Business & Marketing friendly » et moins « administration des ventes », couvrant un large spectre opérationnel.
En parallèle, c’est toute une organisation qui se transforme : plus d’efficacité et d’agilité avec une autonomisation des équipes, introduisant une petite rupture historique avec les pratiques en place, très silotées. De fait, la frontière entre commerce et marketing s’estompe, ce qui n’est pas sans conséquence sur les organisations. Car il s’agit aussi de répondre à de nouveaux enjeux pour le marketing auprès de leurs interlocuteurs commerciaux : assurer la cohérence des actions et la valeur de la marque, concept parfois flou pour des équipes commerciales qui peuvent avoir une vision (légitime) à plus court terme.
Quels sont, selon vous, les trois facteurs décisifs qui ont changé la pratique marketing lors des 10 dernières années ?
Sans aucun parti pris… je dirais en 1, la Data, en 2, la Data et en 3… la Data ! La donnée, qu’elle soit interne ou externe, devient le carburant indispensable à toute action marketing, en amont comme en aval. Chez EXPLORE, nous avons la chance d’accompagner nos clients BtoB dans le cadre de l’intégration de données tierces dans leurs processus d’acquisition. Nous voyons concrètement comment les entreprises « Data Driven » opèrent leur transformation, comment leurs capacités à opérer s’en trouvent démultipliées. Mais c’est au prix d’efforts importants et soutenus, aussi bien techniques qu’organisationnels, pour parvenir à fédérer ces données et les activer au travers de l’ensemble des canaux disponibles de façon ordonnée et performante, au plus près des usages des équipes.
La composition des équipes marketing a-t-elle changé pendant ces 10 dernières années (profils, compétences attendues, etc.) ?
C’est une évidence que d’affirmer que la spécialisation est souvent liée à la taille de l’équipe et aux ambitions et moyens assignés. Je pense en particulier que certains compartiments du jeu nécessitent désormais une telle expertise qu’il est parfois plus intéressant de se faire accompagner par un prestataire externe, comme c’est le cas par exemple pour le SEO/SEA.
Dans tous les cas, les profils sont nécessairement plus digitaux, disposant d’une sensibilité analytique forte. J’aurais néanmoins tendance à distinguer les profils orientés « orchestration » (programmation des campagnes, réalisation des workflows d’automation…) de ceux qui se consacrent à davantage la création de contenus (rédactionnels, créa, vidéos…). Mais on trouve également des personnes qui combinent les deux dimensions avec talent. J’ai personnellement la chance de collaborer avec ce genre de profil dans mon équipe !
Comment voyez-vous l’évolution du profil du CMO/marketeur dans les 10 années à venir ?
Dans la continuité des 5 ou 10 dernières années, je pense que nous allons vers la poursuite et l’accélération de la démocratisation des outils de Sales Enablement ou, en français, « d’encapacitation » des équipes commerciales en BtoB.
Le rôle du marketing dans ce cadre consistera à apporter toujours et encore aux équipes commerciales les moyens opérationnels pour exprimer leur expertise, voire leur personnalité, tout en leur permettant de s’appuyer sur la puissance et les valeurs de la marque, dans une relation toujours plus étroite et personnalisée avec leurs cibles, en présentiel comme à distance. Des révélateurs de talent en quelque sorte !
Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. L’expérience digitale va s’enrichir pour devenir de plus en plus immersive, faisant appel à toujours plus de leviers visuels voire émotionnels, toujours plus impactants, pour toujours plus de proximité. Et donc pour un marketing toujours plus Human Centric…