Les équipes marketing croulent sous les objectifs trimestriels, les campagnes à livrer et les reporting à produire. Les bonnes idées et les inspirations finissent toujours dans un coin de Notion avec la mention « à creuser plus tard ». Sauf que ce « plus tard » n’arrive jamais.
Pour casser ce cercle vicieux, certaines entreprises B2B créent des cellules de R&D marketing. L’idée est d’institutionnaliser l’expérimentation sans paralyser les équipes opérationnelles. En somme, on libère quelques cerveaux pour qu’ils explorent des pistes et testent de nouvelles façons de faire…
Qu’est-ce qu’une cellule de R&D marketing, au juste ?
C’est tout simplement une structure interne à qui l’on confie l’exploration d’idées, d’outils, de méthodes ou de formats encore non éprouvés dans l’entreprise. Elle fonctionne sur un modèle proche de la R&D produit : formulation d’hypothèses, mise en test sur des périmètres réduits, documentation des résultats et, éventuellement, transfert vers l’équipe opérationnelle si le potentiel est confirmé.
En règle générale, la cellule n’est pas une équipe fixe, ni un service à part entière. Il s’agit plutôt d’une configuration temporaire, portée par un binôme ou un trinôme mobilisé à temps partiel sur un cycle court. La cellule dispose d’un mandat clair : explorer un sujet donné sans contrainte d’exécution immédiate, mais avec une exigence forte de documentation, de modélisation et de mise en perspective business.
Elle ne vise pas la production de contenu ou de campagnes à proprement parler. Son rôle est plus en biais, davantage « en dehors des sentiers battus », pour souffler des idées au marketing afin d’attaquer le marché différemment, d’une manière susceptible d’améliorer les résultats opérationnels. Le livrable est souvent un « résultat intermédiaire » : pas un livrable client, mais un matériau à haut potentiel pour des activations futures.💡 Pour ne pas passer à côté d’une inspiration… La cellule R&D marketing est une idée intéressante pour les entreprises qui savent que leur croissance future passe par l’innovation, mais qui n’ont ni les ressources ni la bande passante pour libérer leurs talents opérationnels sur des projets prospectifs. Dans ce type d’entreprise, les bonnes idées et les inspirations sont toujours remises au trimestre suivant, puis au suivant… En somme, la cellule « institutionnalise » la curiosité marketing sans paralyser la machine opérationnelle. C’est une façon de ne pas passer à côté d’une « fulgurance » qui peut doper la performance commerciale, sans forcément casser la tirelire.
3 exemples d’outputs d’une cellule de R&D marketing B2B
#1 Étude de faisabilité d’un nouveau canal d’acquisition
La cellule R&D passe 6 semaines à décortiquer le potentiel de TikTok for Business pour une entreprise de logiciels RH. Objectif : comprendre si ce canal pourrait un jour générer des leads qualifiés.
L’équipe a d’abord analysé la présence des concurrents sur la plateforme : quasi inexistante. Puis elle a identifié les créateurs de contenu RH les plus suivis, étudié leurs formats qui marchent, et surtout, creusé la démographie de leurs audiences. Résultat : 34 % des followers des top créateurs RH sont des directeurs ou DRH, avec une sur-représentation des 28 – 42 ans.
Le livrable final est un document de 12 pages qui détaille le coût d’acquisition estimé par lead, les formats de contenu à privilégier, le budget minimal pour tester sérieusement, des exemples de vidéos qui ont bien fonctionné et, surtout, une roadmap de 3 mois pour lancer un pilote.
L’équipe marketing dispose à présent d’un dossier complet pour décider en connaissance de cause si elle veut investir sur TikTok au Q1.
#2 Développement d’une technique de génération de leads via les annonces de recrutement
La cellule R&D d’un éditeur de logiciels de cybersécurité a découvert une méthode détournée pour identifier des prospects chauds : analyser les annonces d’embauche des entreprises cibles. L’idée ? Une boîte qui recrute massivement des développeurs ou des Data Scientists a probablement des projets de transformation digitale en cours… donc des besoins en cybersécurité.
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L’équipe a développé un script qui scrape automatiquement les offres d’emploi sur Welcome to the Jungle et Indeed, filtre par mots-clés pertinents (« développeur full-stack », « DevOps », « data engineer »…), et ressort une liste d’entreprises en phase de digitalisation. Le script croise ensuite ces données avec le CRM de l’entreprise pour identifier les prospects non encore approchés.
La cellule a documenté la méthode de A à Z : paramétrage du script, liste des mots-clés performants, fréquence de scraping optimale et angles d’approche recommandés selon le type de recrutement détecté. Elle a aussi créé un tableau de bord qui classe automatiquement les prospects par niveau de priorité.
L’équipe commerciale dispose désormais d’une source de leads propriétaire et d’un process clé en main pour l’exploiter.
#3 Délimitation des zones à forte valeur ajoutée humaine dans le cycle de vente
L’équipe R&D s’est attaquée à une question d’actualité : où l’humain est-il encore réellement meilleur que l’IA dans le process marketing-vente ? Pas dans l’absolu, mais dans le cas précis de l’entreprise.
Elle a donc pris un cycle de vente complet, du cold email au closing, et a noté, pour chaque étape, s’il existait un outil IA capable d’automatiser 80 % de la tâche. Ensuite, elle a comparé des livrables IA (mail, séquence, script, page produit, relance post-demo…) à ceux produits manuellement ces 6 derniers mois.
Résultat : 65 % des points de contact pouvaient être partiellement automatisés. Mais trois zones sont restées intouchables :
- La rédaction de réponses personnalisées aux objections complexes reçues par email après une démo ;
- L’adaptation du pitch écrit selon la terminologie exacte utilisée par le prospect dans ses messages ;
- La conception d’emails de relance créatifs pour réactiver les leads silencieux.
Livrable final : une carte du cycle marketing-vente avec zones « humain obligatoire », zones « assisté IA » et zones « full IA ». Le marketing peut revoir ses process, réduire son coût de revient et doper son ROI.
Comment monter votre cellule R&D marketing dès la rentrée
Pas besoin d’attendre le budget N+1 ou de lancer un processus de recrutement de 6 mois. Une cellule R&D marketing se monte en mode « lean », avec l’existant.
Étape 1 : identifier les bonnes personnes
Cherchez dans vos équipes le binôme idéal : quelqu’un de curieux côté marketing (qui pose toujours des questions du genre « et si on testait ça ? ») et quelqu’un de technique côté OPS ou Data (capable de scripter, d’automatiser ou au minimum de manipuler des APIs). L’important n’est pas le niveau d’expertise, mais la complémentarité et l’envie d’expérimenter.
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Étape 2 : définir le premier mandat
Choisissez un sujet précis et limité dans le temps : 6 à 8 semaines maximum pour le premier test. Évitez les sujets trop larges comme « améliorer notre acquisition ». Préférez quelque chose de concret : « trouver un moyen innovant de toucher la cible X »ou « cartographier les zones d’automatisation possibles ».
Étape 3 : sécuriser les ressources minimales
Comptez 20 % du temps de ces deux personnes pendant la durée du mandat, plus un mini-budget d’expérimentation entre 2 000 et 5 000 euros, essentiellement pour tester des outils, acheter des accès premium et lancer des micro-campagnes si nécessaire.
Étape 4 : organiser le reporting
Fixez un point hebdomadaire de 30 minutes avec la direction marketing pour suivre l’avancée sans parasiter le travail d’exploration.