La mesure du ROI des actions marketing reste un défi majeur pour les équipes et un sujet de friction récurrent avec le top management.
La pluralité des outils marketing souvent non intégrés (l’outil passe avant la stratégie), la multiplication des canaux dans une dynamique d’omnicanalité et la disparition progressive des cookies tiers compliquent l’attribution et le calcul du ROI. La problématique est forcément exacerbée dans les entreprises faiblement matures sur le digital ou qui n’ont pas véritablement entamé leur transformation.
Ce constat alimente une certaine cassure entre les décideurs et les marketeurs, ces derniers épinglant « la pression constante du ROI ».
Le ROI de l’action marketing : les chiffres de la discorde
La digitalisation du comportement du consommateur B2C et de l’acheteur B2B s’est traduite par la multiplication des canaux Sales et Marketing pour répondre à l’attente d’omnicanalité des audiences.
Un même prospect va typiquement débuter son parcours d’achat avec une recherche Google. Il va par la suite parcourir le site web de l’entreprise qui aura travaillé sa visibilité (SEO), laisser un message sur le Live Chat, échanger avec un commercial sur LinkedIn, solliciter un rendez-vous sur Teams, etc.
Une enquête Ascend2 x Oracle explique que l’omnicanalité est désormais la priorité absolue pour 38 % des marketeurs. « Ils s’activent pour s’aligner avec les standards B2C », expliquent les auteurs.
Par définition, la multiplication des canaux digitaux complique l’attribution en l’absence d’une stratégie d’unification des données. Comment attribuer à chaque canal marketing le prorata de sa contribution à la conversion ? Cet enchevêtrement complique le calcul du ROI des actions marketing… une mesure qui posait déjà problème bien avant cette dynamique omnicanale.
L’empilement des outils de la MarTech sans une stratégie d’intégration bien définie contribue largement à cette difficulté.
De nombreuses études documentent l’incapacité d’une partie des marketeurs B2B à calculer le ROI de leurs actions dans un contexte de digitalisation. Par exemple, si 91 % des entreprises du B2B investissent dans le Content Marketing, plus de 65 % des marketeurs ne calculent pas le ROI de cette brique importante de l’activité, et 27 % d’entre eux avouent « ne pas savoir comment faire » (Content Marketing Institute).
D’un autre côté, 45 % des entreprises concèdent « ne pas avoir de stratégie marketing définie », ce qui complique davantage le calcul du ROI (Smart Insights).
Le ROI Marketing entame la relation de confiance entre les CEOs et le marketing
Les difficultés à présenter un ROI fiable plongent les marketeurs dans un cercle vicieux, dans la mesure où ils ne parviennent pas à valoriser leur actions auprès de leur hiérarchie.
Résultat : il devient de plus en plus compliqué de débloquer des budgets marketing dans un contexte sensible. En effet, selon GetApp, 44 % des marketeurs estiment qu’ils devront augmenter leurs dépenses de 5 à 25 % chaque année pour atteindre les objectifs qu’on leur assigne.
Selon Annuitas, 72 % des décideurs B2B estiment que leurs directeurs marketing « ne mesurent pas les bons KPIs » pour établir leur ROI. De leur côté, 61 % des CMOs n’intègrent pas la variable « ROI » dans l’élaboration de leur stratégie marketing car « ils ne sont pas certains de la fiabilité de la Data à leur disposition » (étude Propeller x Allocadia).
En filigrane, la pression du ROI pèse sur le quotidien des équipes marketing. Selon la même étude, l’écrasante majorité des marketeurs (84 %) se disent « sous pression » pour « prouver leur ROI et justifier les dépenses marketing ».
La disparition imminente des cookies tiers et le ROI
Après la digitalisation effrénée, le marketing devra composer à (très) court terme avec l’exigence d’une donnée plus éthique. Plusieurs signaux convergent vers cette dynamique :
- L’approche plus offensive de la CNIL qui épingle par exemple l’utilisation de Google Analytics pour cause de violation de l’article 44 du RGPD ;
- La relance des discussions autour du règlement ePrivacy II qui devrait compléter le RGPD ;
- La disparition enclenchée des cookies tiers de Google Chrome, un navigateur qui accapare 65 % des parts de marché.
Ce dernier point risque d’alimenter la crise du ROI marketing. En effet, l’absence de cookies tiers devrait affaiblir le tracking des conversions, avec un impact considérable sur la qualité des reportings publicitaires et donc sur la mesure du retour sur investissement des campagnes.
La disparition des cookies tiers rendra également difficile, voire impossible, de faire le lien entre une impression publicitaire et la conversion qui peut en découler.
Malgré ces contretemps, la disparition des cookies tiers et, plus largement, l’émergence d’une Data plus éthique, présentent une belle opportunité pour le marketing. La profession s’affranchira sans doute de l’action « de masse » tous azimuts à la faveur d’un marketing personnalisé, réfléchi, ciblé et porteur de sens.