LinkedIn et X, les réseaux des professionnels inspirés… ou des clichés éternels ? Entre storytelling faussement dramatique, tautologies, lapalissades et chiffres sortis du chapeau, le Social Selling devient de plus en plus une usine à posts vides de sens.
Si votre calendrier éditorial sur les réseaux sociaux est rythmé par ces 5 exemples, c’est que vous agacez très probablement votre profil de client idéal.
#1 Le storytelling type « Il y a deux ans, je n’avais plus rien. Et aujourd’hui… »
Si l’on se fie à notre feed LinkedIn, tout le monde a vécu un drame professionnel (ou personnel), une prise de conscience, une illumination puis une résurrection.
- « Il y a deux ans, je n’avais plus rien. Aujourd’hui, je fais six chiffres. »
- « J’ai failli tout abandonner, et puis mon fils m’a dit… » ;
- « J’étais tétanisé à l’idée de prendre le téléphone. Deux ans plus tard, je forme les équipes commerciales des entreprises du CAC 40 ».
Et on exagère à peine. LinkedIn devient un concours de surenchère, un peu comme une téléréalité de recherche de talents. Toujours la même mécanique : une chute, une révélation, puis un succès retentissant.
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Le problème, ce n’est pas le storytelling en soi. C’est plutôt une bonne idée, et ça marchera toujours mieux que les posts corporate. Le problème, c’est l’industrialisation de ce format. Tout le monde raconte la même histoire, avec les mêmes codes. Probablement parce que ça vient de prompts IA plus ou moins similaires.
Mettons-nous un instant du côté de l’acheteur ou du décideur. Un post inspirant, ça capte l’attention. Mais 20 posts identiques, ça fatigue. Ça devient un cliché, une caricature. Ça sonne artificiel, et l’artificiel ne vend pas.
En plus, ces histoires n’apportent rien. Pas de méthode, pas d’analyse, rien d’applicable. Juste un effet dramatique pour récolter de l’engagement et faire du farming. L’acheteur ne signe pas parce qu’il a liké un post sur une « remontée spectaculaire » illustrée par un selfie. Il signe parce qu’il voit une vraie compétence, une compréhension fine de ses problèmes, un début de solution.
#2 Le syndrome de la banalité qui n’a pas de contraire
On parle de ces phrases creuses que personne ne peut contredire. Ces tautologies, ces raisonnements circulaires, ces affreuses lapalissades, ces prises de position de bac à sable. Ces posts censés être profonds et faire réfléchir ne sont en réalité qu’une succession d’évidences impossibles à contredire.
Voici quelques exemples que vous avez probablement déjà vus sur votre feed :
- « Il faut une vraie stratégie de Content Marketing »… par opposition à quoi, une fausse stratégie ? Qui penserait qu’il faut une fausse stratégie ?
- « En 2025, le marketing doit être plus authentique. »… comme si quelqu’un revendiquerait un marketing plus artificiel pour 2025.
- « Il faut mettre le client au centre. »… et quelle est l’alternative ? Mettre le client sur le côté ?
- « Le cold call ne fonctionne pas… sauf quand il est bien fait »… une belle lapalissade qui ne dit strictement rien. Toute chose « mal faite » ne fonctionnera pas, par définition.
- « Les commerciaux doivent apporter plus de valeur. »… qui milite pour qu’ils en apportent moins ?
Autant écrire « l’eau, ça mouille » et attendre les likes.
#3 Le commercial qui bourrine dans les commentaires
Il y a ceux qui commentent pour enrichir une discussion, apporter un éclairage, corriger une erreur, rebondir sur un point…. Et puis il y a les VRP du commentaire. Ceux qui ne peuvent pas s’empêcher d’injecter une publicité bien grasse, bien lourde, à chaque prise de parole, même quand ça n’a aucun rapport.
On les repère très facilement dans les commentaires :
- « Sujet très intéressant ! Chez [nom de l’entreprise], nous accompagnons justement nos clients sur cette problématique avec une approche innovante. »
- « Entièrement d’accord. C’est exactement pour ça que nous avons développé [nom du produit]. »
- « Super analyse ! Si vous cherchez une solution sur ce sujet, je serais ravi d’en discuter en MP. »
Ce type de commentaire ne trompe personne. L’intention est trop visible, trop forcée. C’est une tentative maladroite, un peu gênante, de placer son produit. Un commercial qui se vend aussi frontalement dans les commentaires, c’est comme un intervenant dans un bel événement B2B qui ne parle que de sa boîte dans un workshop, une table ronde ou une Keynote.
Le Social Selling demande un peu de finesse. Le commentaire, c’est pour apporter une perspective, challenger une idée, compléter, illustrer avec de la Data, voire faire de l’humour. L’intérêt pour le commentaire poussera naturellement l’utilisateur à cliquer sur le profil.
#4 Les chiffres chocs sortis du chapeau
Vous les connaissez, ces chiffres tout ronds, tout beaux, qui gangrènent votre feed (surtout dans les accroches) :
- « 90 % des sites web qui rankent sur Bing utilisent cette technique… »
- « 75 % des entreprises qui utilisent cette méthode ont augmenté leur chiffre d’affaires de 37 %. »
- « Un marketeur sur deux ne sait pas mesurer le ROI de ses campagnes ads ».
D’où viennent ces chiffres ? Quelle méthodologie ? Taille de l’échantillon ? On ne le saura jamais. Les plus malins vous diront « d’après mon expérience ». C’est tellement pratique ! On essaie de donner un vernis scientifique ou empirique à des opinions personnelles.
Et le comble, c’est que ces chiffres finissent par être repris en boucle, cités et récités jusqu’à devenir des « vérités » dans le secteur, et chacun y ajoute sa petite touche d’approximation pour que ça colle un peu plus à son produit.
#5 Les conseils de vente qui ne résistent à aucune situation réelle
Sur LinkedIn et Twitter, tout le monde a des principes infaillibles pour vendre. Des règles d’or. Des méthodes révolutionnaires. Des frameworks en trois étapes. Mais dès qu’on gratte un peu, ces conseils ne tiennent que dans des conditions idéales… qui n’existent jamais dans la vraie vie.
Quelques perles :
- « Un bon commercial ne parle que 20 % du temps, il écoute 80 %. »… c’est beau sur le papier, sauf quand il faut pitcher en cinq minutes devant un comité exécutif.
- « Un acheteur ne dit jamais non. Il demande à être persuadé autrement ». Non. Parfois, c’est juste non.
- « Ne vendez pas un produit, vendez une transformation ». Quand l’acheteur est mature dans sa réflexion, il veut juste s’assurer que votre produit marche et qu’il rentre dans son budget.
Ces pseudo-enseignements se veulent inspirants, mais ils sont trop rigides, trop simplistes pour être appliqués tels quels. La vraie vente, c’est du cas par cas, des ajustements permanents, des décisions prises dans l’incertitude.