Dans les faits, beaucoup de campagnes dites « Account-Based » ne sont que du marketing de génération classique, un peu mieux ciblé et un peu plus personnalisé : contenu par persona, ciblage affiné, mini-coordination avec les Sales, suivi lead par lead, etc.
Alors oui, les campagnes peuvent bien tourner, mais elles n’attirent quasiment pas de grands comptes à très fort potentiel. Pas de progression collective, pas de relais côté commercial, pas d’impact sur les cycles longs, pas de résultat sur les comités d’achat.
Si vous visez des comptes à fort potentiel avec plusieurs décideurs, vous ne pouvez pas vous contenter de faire de l’Inbound, même personnalisé. Voici 4 signes qui montrent que vous ne faites pas vraiment de l’ABM (et que vous passez à côté de quelque chose).
#1 Vous partez de vos personas, pas d’un vrai Target Account List
Vous créez des campagnes pour les « directeurs marketing de PME industrielles » ou les « DRH dans la tech » ? Vous êtes dans une logique persona-centric, pas account-centric. En clair : vous faites simplement du ciblage marketing, pas de l’ABM.
L’ABM n’est pas une tactique qui se base sur un profil type : on part plutôt d’une liste fermée d’entreprises nommément identifiées, validées avec les commerciaux, classées par potentiel et priorisées selon un critère convenu en interne : vos objectifs de croissance (et donc le CA potentiel), la probabilité de closing (par exemple le fit entre l’offre et le compte), etc.
C’est ce qu’on appelle la Target Account List (TAL). Et attention : ce n’est pas une base extraite de LinkedIn Sales Navigator un vendredi après-midi. C’est un fichier affiné, enrichi, partagé avec les Sales, croisé avec les signaux d’intention et les priorités business (upsell, churn à récupérer, secteurs sous-pénétrés, comptes stratégiques dormants…).
Si votre campagne s’adresse à un segment, vous faites… de la segmentation. Si elle s’adresse à un compte précis avec un plan d’attaque adapté, vous entrez dans la sphère de l’ABM.💡 La TAL se construit à rebours du marketing Ne partez pas d’un segment pour « voir qui rentre dedans » : partez de comptes identifiés avec les commerciaux, puis alignez votre stratégie sur cette base (contenus, canaux, séquence, critères de scoring). Si votre liste ne reflète pas une priorité commerciale explicite, ce n’est pas une TAL.
#2 Vos contenus « ABM » ne sont reliés à aucune action commerciale
Vous produisez un cas client, un benchmark sectoriel ou un guide métier. Très bien. Mais à quoi il sert ? Pour quel compte ? À quelle étape ? Utilisé par qui, dans quel cadre ?
Si vous ne pouvez pas répondre à ces questions, vous n’êtes pas dans une séquence d’Account-Based Marketing. Car dans l’ABM, un contenu n’existe que s’il est actionnable dans une séquence préalablement définie, sur un compte identifié, avec un objectif commercial précis.
Exemple : un commercial cible trois groupes industriels en veille sur la décarbonation. Vous produisez un brief qui compare leur stack actuel à celui de leurs concurrents directs. Le contenu n’est pas public, il est envoyé dans une séquence email ou montré en rendez-vous.
Autre cas : vous avez identifié un compte prioritaire, mais vos seuls contacts actifs sont des profils intermédiaires (par exemple un responsable marketing qui a téléchargé un livre blanc, sans plus). Vous produisez alors un contenu sur mesure pour faire monter d’un cran l’intérêt dans le compte : un mini-cas sectoriel avec résultats chiffrés, adressé directement au CMO, accompagné d’un message personnalisé, puis relancé par le commercial.
C’est cela, un contenu ABM : un levier pour nourrir une relation avec un compte ciblé. Pas un morceau de contenu en libre accès.
💡 Chaque contenu ABM doit avoir un nom, une cible et un usage |
Avant de produire quoi que ce soit, répondez à trois questions simples : 1. Quel compte ou groupe de comptes cible-t-on ? 2. Quelle action ce contenu doit-il déclencher ? 3. Qui l’utilisera (marketing, Sales, CSM) et comment ? Si vous ne pouvez pas répondre, c’est que vous n’êtes pas encore arrivé au stade de la création de contenu ABM. Il y a un travail d’alignement en amont. |
#3 Côté Sales, personne ne sait que vous faites de l’ABM
Vous (le marketing) avez ciblé des comptes, structuré des campagnes et lancé la création de contenus personnalisés. Sur le papier, tout semble en place. Mais personne côté commercial n’est au courant. Personne n’a participé au ciblage, personne n’a validé les messages. Et personne n’exploite les contenus ou les signaux d’engagement générés.
Résultat : les Sales continuent leur pipe, les marketeurs poursuivent leur campagne, sans coordination. Vous travaillez côte à côte, pas ensemble.
L’ABM repose sur une synchronisation étroite entre les deux équipes dès la phase de préparation :
- Identification et priorisation des comptes cibles sur la base de données croisées (potentiel commercial, fit produit, signaux d’intention, historique CRM, etc.) ;
- Définition commune des messages clés, des interlocuteurs à cibler et des actions à enclencher ;
- Mise en place d’un cadre de suivi partagé : quels signaux remontent, à quel moment les Sales prennent la main, comment on mesure la progression, etc.
Sans cette synchronisation, vous accumulez de l’engagement non exploité. Vous générez des signaux sans activation. Et vous perdez exactement ce qui fait la valeur d’une stratégie ABM : concentrer les efforts sur les bons comptes pour générer davantage de revenu et faire effet boule de neige.💡 Si ce n’est pas utilisé par les Sales, ce n’est pas de l’ABM Un plan ABM qui ne vit pas dans le CRM, les séquences de relance, les scripts commerciaux et les revues de pipe est inutile. C’est une initiative marketing bancale sans incidence sur les deals ou, du moins, sur les deals espérés par le top management.
#4 Vous mesurez la performance individuelle, alors que l’ABM observe la dynamique de compte
Dans une campagne ABM, ce n’est pas « qui a cliqué » qui compte. C’est combien de personnes différentes, au sein d’un même compte, interagissent avec vos contenus, à quel moment, sur quels canaux et avec quelle intensité.
Suivre les MQLs individuels, le taux de conversion formulaire ou le volume de leads générés reste pertinent dans une logique d’Inbound ou de génération dans des cycles courts, notamment PME ou en volume mid-market.
Mais si votre objectif est de travailler un portefeuille restreint de grands comptes à fort potentiel avec des cycles complexes et des décisions multi-acteurs, ce type de mesure ne suffit pas.
Vous captez des signaux, oui. Mais vous ne captez pas le mouvement collectif d’un compte vers une décision. Et c’est là toute la différence entre un funnel traditionnel et une stratégie ABM.
Ok. Mais comment je mesure ce fameux mouvement collectif à l’échelle du compte ? Et comment je le détecte concrètement ?
L’engagement collectif d’un compte se détecte en agrégeant des signaux faibles dispersés, par exemple : plusieurs contacts d’une même entreprise qui visitent votre site à quelques jours d’intervalle, des interactions croisées sur différents canaux (email, social, site, webinar…), des comportements typiques de phase d’évaluation (visite sur la page tarifs, scroll sur une étude de cas, clic sur des liens de comparatifs…), etc.
Pour agréger ces signaux à l’échelle d’un compte, il faudra mettre en place un stack technique intégré :
- CRM structuré par compte : chaque contact est lié à une fiche entreprise. Tous les signaux sont remontés au niveau compte (HubSpot, Salesforce, etc.) ;
- Reverse IP Lookup : des outils comme Leadfeeder, Albacross, Clearbit Reveal permettent d’identifier les entreprises qui visitent votre site même sans formulaire ;
- Intent Data externe : via 6sense, Bombora ou Cognism, vous détectez des pics d’intérêt autour de certains sujets liés à vos offres, sur des comptes nommés ;
- Tracking multicanal : via vos outils de marketing automation ou des pixels posés dans vos contenus (emails, pages clés, documents interactifs), vous pouvez attribuer chaque action à un compte dès qu’un domaine ou un identifiant est reconnu.
À quel moment le compte suivi devient-il « activable » ?
C’est là qu’intervient la notion de Marketing Qualified Account (MQA). Plutôt que de scorer des leads, vous scorez un compte qui cumule tous les signaux détectés sur une période donnée.
Par exemple :
- 3 contacts différents engagés dans les 10 derniers jours ;
- un total de 40 points d’activité cumulés (email ouvert, page clé visitée, contenu téléchargé, etc.) ;
- au moins une action à forte valeur (lecture d’un cas client ou visite sur la page produit).
À partir de là, le compte peut passer en phase d’activation Sales. Et toute l’équipe peut suivre sa progression avec une vue unique, cohérente et exploitable.