Accueil » Le syndrome de l’imposteur en entreprise : comment le diagnostiquer ? Comment le gérer ? (2025)

Le syndrome de l’imposteur en entreprise : comment le diagnostiquer ? Comment le gérer ? (2025)

En France, plus de 6 managers sur 10 souffrent du syndrome de l’imposteur, selon une grande étude réalisée par Yougov pour le compte de Capital Management.

Le monde de l’entreprise n’a jamais été aussi dynamique, exigeant des individus une adaptation permanente, un certain dépassement de soi et une implication sans précédent. Dans un tel environnement, certains collaborateurs peuvent ressentir un sentiment insidieux d’inadéquation, comme s’ils étaient des imposteurs sur le point d’être démasqués. Chronique d’un syndrome silencieux…

Qu’est-ce que le syndrome de l’imposteur en entreprise ?

Le syndrome de l’imposteur est un phénomène psychologique intrigant qui, malgré son impact considérable sur le quotidien des professionnels, reste largement méconnu et souvent mal compris. Bien que les recherches à ce sujet soient relativement récentes, l’importance de ce syndrome dans le monde du travail ne peut être sous-estimée.

Le syndrome de l’imposteur a été identifié pour la première fois en 1978 par les psychologues cliniques Pauline Clance et Suzanne Imes. Dans leur travail de recherche « originel », elles décrivaient ce syndrome comme « une expérience interne d’inauthenticité intellectuelle ». En d’autres termes, les individus qui en souffrent ont tendance à douter de leurs accomplissements et à vivre dans une peur constante d’être démasqués… car ils se sentent « imposteurs ».

La définition précise du syndrome de l’imposteur a été affinée au fil des années. Aujourd’hui, on considère que ce syndrome se manifeste par une tendance à attribuer le succès à des facteurs externes (un concours de circonstances favorables, la chance, la bienveillance d’autrui) plutôt qu’à ses propres compétences ou aux efforts consentis. Les personnes atteintes ont souvent l’impression de tromper les autres sur leurs véritables capacités. Malgré les preuves externes de leurs compétences, ces individus restent convaincus qu’ils sont des fraudeurs et craignent que les autres ne découvrent leur « supercherie ».

Souffrez-vous du syndrome de l’imposteur ?

Le syndrome de l’imposteur est une expérience complexe, souvent sournoise, qui peut se manifester différemment selon les personnalités et le contexte. Pour vous aider à mieux comprendre cette réalité, explorons en détail les symptômes les plus courants. Si vous vous reconnaissez dans plusieurs de ces descriptions, vous pourriez être aux prises avec le syndrome de l’imposteur. C’est parti.

#1 L’autodépréciation constante

L’une des caractéristiques les plus frappantes du syndrome de l’imposteur reste sans doute la tendance à l’autodépréciation. Malgré des compétences solides et des réalisations significatives, vous doutez constamment de votre valeur et de vos compétences. Cette perception négative de soi peut conduire à une sous-estimation de vos talents et à une dévalorisation de vos accomplissements, que vous allez alors attribuer à la chance ou à des circonstances favorables plutôt qu’à votre mérite.

#2 Une angoisse démesurée face à l’échec

Le syndrome de l’imposteur va généralement engendrer une peur intense de l’échec. Cette angoisse peut être si paralysante qu’elle transforme chaque tâche en une véritable épreuve, même quand les enjeux sont négligeables, voire inexistants. Le moindre échec ou erreur est interprété comme une preuve irréfutable de votre incompétence. Cette obsession de l’échec peut même vous conduire à éviter des opportunités intéressantes de peur de ne pas être à la hauteur.

#3 Le refus de la reconnaissance

Le syndrome de l’imposteur implique également une certaine difficulté à accepter les compliments ou la reconnaissance. Les réussites sont minimisées, voire rejetées. Si vous souffrez du syndrome de l’imposteur, vous avez peut-être tendance à attribuer vos succès à des facteurs extérieurs : le hasard, la chance ou l’aide d’autrui, plutôt qu’à votre travail et à vos compétences et par conséquent, les compliments vous gênent, dans la mesure où vous pensez ne pas les mériter. Dans les cas extrêmes, certaines personnes qui souffrent de ce syndrome peuvent penser que les compliments sont dits de manière ironique ou sarcastique.

#4 L’obsession de la perfection

Le syndrome de l’imposteur se manifeste aussi souvent par un perfectionnisme acharné. Vous vous imposez des normes extrêmement élevées et chaque petite erreur est vécue comme un échec personnel. Vous pourriez passer des heures à peaufiner un travail qui n’en a pas forcément besoin, car vous êtes insatisfait de vos efforts et vous êtes toujours en quête d’un degré de perfection inatteignable.

#5 La surcharge de travail

Pour compenser votre sentiment d’incompétence, vous pourriez vous retrouver à travailler bien plus que vos collègues. Cet acharnement est une tentative de prouver votre valeur, mais peut conduire à l’épuisement professionnel, sans vraiment apaiser votre sentiment d’imposture.

#6 La crainte d’être démasqué

Enfin, les personnes qui souffrent de ce syndrome vivent constamment sous la crainte d’être démasquées. Vous avez peut-être l’impression de tromper les autres et craignez le moment où ils découvriront « la vérité » sur votre supposée incompétence. Cette crainte peut mener à une tension constante et à une pression mentale énorme.

Le syndrome de l’imposteur est un phénomène psychologique complexe qui peut affecter toute personne, indépendamment de son niveau de compétence ou de succès. Si vous vous identifiez à ces symptômes, sachez que des ressources et des stratégies existent pour y faire face et retrouver confiance en soi.

La dissonance cognitive : mécanisme psychologique central du syndrome de l’imposteur

La dissonance cognitive explique pourquoi le syndrome de l’imposteur résiste si bien à la logique, et pourquoi il peut toucher même les personnes les plus cartésiennes et les plus rationnelles. Ce mécanisme psychologique théorisé par Leon Festinger en 1957 décrit la tension mentale qui apparaît quand notre cerveau doit gérer deux informations contradictoires.

Dans le syndrome de l’imposteur, cette contradiction oppose :  

  • Les preuves externes de votre compétence : vos diplômes, une promotion, des compliments, les (bons) résultats générés… ;
  • Votre intime conviction d’incompétence, nourrie par des pensées négatives et limitantes sur la durée.

Le cerveau humain déteste cette incohérence. Pour la résoudre, il va déformer la réalité plutôt que remettre en question la croyance profonde.

Voici comment fonctionne cette gymnastique mentale : vous recevez une promotion. Au lieu d’ajuster votre perception de vous-même (« je suis compétent »), votre cerveau préfère réinterpréter l’événement (« ils ont dû manquer de candidats »). La croyance négative reste intacte. C’est la réalité qui se plie pour s’y conformer ! Et la distorsion s’alimente progressivement avec des schémas classiques :

  • Les succès deviennent des accidents heureux ;
  • Les promotions sont des erreurs de jugement des autres ;
  • Vos bons résultats sont le résultat d’un travail acharné qui viendrait compenser un supposée médiocrité.

En revanche, les échecs sont immédiatement interprétés comme des preuves définitives et irréfutables de votre « incompétence fondamentale ».

💡 Et le piège finit par se refermer…
Plus vous réussissez, plus l’écart entre la réalité et la perception négative grandit, plus la dissonance augmente, et plus vous devez travailler dur pour justifier cette contradiction. C’est un cercle vicieux où chaque succès alimente paradoxalement le doute. La dissonance cognitive transforme donc le syndrome de l’imposteur en forteresse mentale. Chaque tentative externe de vous rassurer se heurte à ce mécanisme de défense qui protège votre croyance négative. Comprendre ce processus, c’est faire un premier pas pour le désamorcer.

Professionnels : le syndrome de l’imposteur modifie votre rapport au feedback

Les personnes touchées par le syndrome de l’imposteur entretiennent une relation complexe avec les retours qu’elles reçoivent au travail, que ce soit de la part des collègues ou des supérieurs. Une étude menée auprès de 370 salariés francophones révèle que ces personnes recherchent constamment des feedbacks, mais de manière indirecte, parfois détournée.

Cette recherche compulsive de validation s’exprime par des questions répétées qui masquent une anxiété profonde. Au lieu de demander franchement « Que pensez-vous de mon travail sur ce projet ? », la personne va multiplier les vérifications : « Je voulais juste m’assurer que… », « Tu peux jeter un œil pour voir si… », « Je me demandais si par hasard… ». Elle sonde le terrain sans jamais poser la question directement… alors que cette dernière est parfaitement légitime.

Le feedback positif déclenche un mécanisme de rejet automatique

Face aux compliments, le cerveau active immédiatement ses filtres de dévaluation, comme expliqué plus haut. En revanche, le feedback constructif vient confirmer les pires suspicions.

La moindre suggestion d’amélioration valide la croyance profonde d’incompétence. Si on vous dit : « Tu pourrais essayer cette approche », vous y voyez la preuve que vous n’êtes pas la hauteur.

La personne retient uniquement les critiques et oublie instantanément les points positifs qui les accompagnaient.

Cette quête anxieuse de feedback reste invisible pour l’entourage

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, les collègues remarquent rarement cette anxiété. La personne touchée par le syndrome développe des techniques de camouflage assez efficaces. Elle pose ses questions de validation lors de conversations informelles, glisse ses doutes dans des échanges anodins et fait même parfois preuve d’autodérision.

Qui est habilité à diagnostiquer le syndrome de l’imposteur ?

Le syndrome de l’imposteur n’est pas reconnu comme un trouble psychologique formel dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5), qui est l’outil de référence pour les professionnels de la santé mentale.

Dans la pratique, le syndrome de l’imposteur est le plus souvent abordé dans le cadre d’un accompagnement psychologique ou d’une thérapie par des professionnels de la santé mentale comme les psychologues ou les psychiatres. Ces professionnels sont formés pour aider les individus à comprendre et à gérer leurs sentiments d’imposture. Ils vont travailler sur l’estime de soi, l’affirmation de soi, le perfectionnisme, l’anxiété et d’autres problématiques liées.

Le diagnostic formel de ce syndrome peut être difficile. Il n’existe pas de test clinique unique pour le syndrome de l’imposteur, et les symptômes peuvent varier grandement d’une personne à l’autre. Il est donc important que le diagnostic soit posé par un professionnel qualifié, capable de différencier le syndrome de l’imposteur d’autres troubles psychologiques comparables mais qui nécessitent des protocoles différents comme :

  • Les troubles anxieux : le doute constant de soi et la peur de l’échec qui caractérisent le syndrome de l’imposteur peuvent également être des signes de troubles anxieux plus larges ;
  • La dépression : le sentiment de ne pas être à la hauteur et l’autodépréciation peuvent être des symptômes de la dépression ;
  • Le Trouble Obsessionnel Compulsif (TOC) : le perfectionnisme extrême et la peur de faire des erreurs peuvent être les signes d’un TOC ;
  • Le trouble de la personnalité évitante : la crainte de l’échec, l’évitement des situations sociales par peur de la critique ou du rejet peuvent être des indicateurs de ce trouble ;
  • Les troubles de l’image de soi : le sentiment de ne pas être à la hauteur, l’autodépréciation et l’insatisfaction envers soi-même peuvent être liés à des troubles de l’image de soi, notamment le trouble dysmorphique corporel.

Les coachs de vie et les conseillers en carrière peuvent jouer un rôle pour travailler sur des aspects spécifiques du syndrome de l’imposteur liés à la vie professionnelle, comme l’incapacité à accepter les compliments ou la peur de l’échec.

Je pense être atteint du syndrome de l’imposteur : que faire ?

Si vous vous reconnaissez dans la description du syndrome de l’imposteur et que cela vous perturbe, voici quelques étapes clés à suivre pour commencer à mieux comprendre et gérer ce phénomène complexe.

1. Analysez vos sentiments et comportements

Commencez par faire une auto-évaluation honnête. Notez les situations où vous avez ce sentiment d’imposture ainsi que les pensées et les émotions qui accompagnent ces moments. Quels sont les déclencheurs de ces sentiments ? Sont-ils liés à certaines tâches ou interactions spécifiques ? Cela peut vous aider à mieux cerner les manifestations spécifiques du syndrome dans votre vie quotidienne.

2. Sollicitez de l’aide d’un professionnel

Si vous ressentez un inconfort important ou que ces sentiments d’imposture affectent votre bien-être ou votre performance au travail, il serait judicieux de consulter un professionnel de la santé mentale. Un psychologue ou un psychiatre peut vous aider à mieux comprendre ce que vous traversez et à développer des stratégies pour gérer ces sentiments. La thérapie cognitive-comportementale, par exemple, peut être efficace pour changer les schémas de pensée négatifs associés au syndrome de l’imposteur.

3. Partagez vos sentiments

Ne gardez pas vos sentiments pour vous. Vous seriez surpris de savoir combien de personnes sont concernées. Parler de vos expériences avec des amis de confiance, des mentors ou sur des forums de discussion pour relativiser vos sentiments et comprendre que vous n’êtes pas seul dans cette situation.

4. Challengez vos pensées négatives

Apprendre à remettre en question ses pensées négatives est une étape cruciale pour gérer le syndrome de l’imposteur. Lorsque vous vous surprenez à penser que vous n’êtes pas à la hauteur ou que vous allez échouer, défiez ces pensées. Posez-vous des questions comme : « Ai-je des preuves concrètes de mon imposture ? » ou encore « Qu’est-ce que je dirais à un ami qui serait dans ma situation ? ».

5. Célébrez vos réussites

Prenez le temps de célébrer vos réussites, grandes et petites. Plutôt que de les attribuer à la chance ou à d’autres facteurs externes, reconnaissez le rôle que votre travail acharné, vos compétences et votre talent ont joué dans ces réussites.

6. Pratiquez l’autocompassion

Soyez indulgent avec vous-même. Il est normal de faire des erreurs et de ne pas être parfait. L’autocompassion implique d’accepter ses imperfections et de reconnaître que l’échec fait partie de l’expérience humaine.

Et n’oubliez pas : même si le syndrome de l’imposteur peut être un véritable défi, il est possible de le gérer et d’améliorer votre quotidien assez rapidement. Avec un peu d’analyse, de l’aide, de la réflexion et beaucoup d’autocompassion, vous pouvez commencer à atténuer votre sentiment d’imposture et à développer une confiance en soi plus solide pour évoluer dans votre carrière et améliorer votre qualité de vie.