A l’occasion des 10 ans du BtoB Summit, j’ai eu le plaisir d’échanger avec Annie-Paule Abihssira, CEO Développement et Franchise chez Booster Academy, « premier centre d’entraînement intensif à la vente » et cabinet de conseil en efficacité commerciale, management et expérience client.
Au programme de cette interview : l’évolution de la pratique des Sales lors de la dernière décennie, la transformation du poste de Directeur Commercial, les raisons de la de la pénurie des profils commerciaux en France et la place de la technologie dans la fonction commerciale.
Sommaire
Avant de commencer, pouvez-vous revenir en quelques mots sur votre parcours professionnel ?
Après un cursus d’études scientifiques et une licence de commerce international, l’entreprenariat m’a attirée. A 23 ans, diplômes en poche, j’assistais aux temps fort du bouleversement des méthodes de vente avec la consommation de masse et l’émergence des marques. J’ai développé une centrale d’achat de produits de mode multimarques pour les professionnels et un réseau de deux enseignes, Pym’s et Pluriel, que j’ai cédées avec d’excellentes conditions de réinsertion pour les salariés en 2004.
Forte de cette première expérience entrepreneuriale, j’ai créé MPA Conseil, un cabinet de conseil en développement de marques et stratégie d’enseignes. J’ai mobilisé mon expérience entrepreneuriale, ma volonté de faire grandir les collaborateurs au service de Booster Academy.
Face à l’engouement autour de la SalesTech, diriez-vous que la fonction commerciale se dirige vers un phénomène de « scientifisation » ?
Les entreprises qui adoptent une approche scientifique de la vente affichent une croissance 2.3x supérieure à celle des autres. La raison ? Nouveaux outils, méthodes et process, la Data est omniprésente, mais l’Humain n’a pas dit son dernier mot. Oui, il faut des outils, de la donnée et du transfert d’informations, mais c’est toujours l’Humain qui prend la décision finale. La vente est avant tout une démarche qui vise à provoquer l’achat. Le client est maître de sa décision, ce qui fait que le travail doit se fait très en amont. La technologie est là en support du commercial, pas en substitution. La différence réside dans la capacité du commercial à s’approprier les outils, les contenus et le matériel de vente, à délivrer un message avec ses mots pour être à la fois authentique et congruent face au prospect.
L’action des collaborateurs dépasse la simple identification du besoin. Elle s’étend à la compréhension de l’environnement, de la stratégie et du marché du prospect. Le commercial va pouvoir s’appuyer sur ces variables pour identifier le besoin non exprimé, personnaliser son argumentaire et proposer une offre en phase avec les attentes du prospect qu’il a en face de lui. La vente, c’est de la technologie, mais c’est aussi et surtout une curiosité exacerbée.
Selon Michael Page, il manquerait environ 200 000 profils commerciaux en France. Quelles sont les raisons qui expliquent cette pénurie structurelle, à votre avis ?
Plusieurs paramètres peuvent être avancés pour expliquer cette pénurie. D’abord, une variable démographique avec l’évolution de la courbe des âges. J’évoquerai également les programmes des écoles de commerce qui ne forment pas forcément à la vente à proprement parler.
La valorisation des cursus de Business Developer doit être accélérée. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les entreprises ne cherchent pas à recruter le mouton à cinq pattes. Elles recherchent des profils curieux, dotés d’une bonne capacité d’écoute et d’une certaine créativité, capables de s’inscrire dans la stratégie de l’entreprise et de s’approprier les outils de la SalesTech.
Quels sont, selon vous, les facteurs décisifs qui ont changé la pratique des Sales lors des dix dernières années ?
L’hégémonie de la satisfaction client a bouleversé la pratique de la vente lors de cette dernière décennie, que ce soit dans le B2B ou le B2C. Ensuite, j’évoquerai le bien-être des collaborateurs qui devient un critère décisif. Il est aujourd’hui nécessaire de donner aux managers les clés pour accompagner leurs collaborateurs d’une manière individualisée, avec une certaine proximité et une capacité à mobiliser leurs soft-skills pour détecter les frictions éventuelles et agir en conséquence.
L’approche Customer Centric maîtrisée a changé la pratique des Sales, avec la généralisation du NPS et de ses trois enjeux : l’évolution de la satisfaction client, le taux de recommandation et la fidélisation.
Zoomons sur le Directeur Commercial. Comment voyez-vous l’évolution de ce poste dans la dernière décennie ?
Ce n’est pas une évolution, mais une révolution complète ! Le Directeur Commercial d’il y a 10 ans était avant tout attendu sur ses hard skills et sur le reporting. Isolé dans son bureau, il jonglait avec les chiffres. Cette époque est révolue ! Toute révolution crée des opportunités.
Nouvelle ère. Nouveaux acteurs. La révolution de la vente moderne crée des différences radicales entre les individus qui maîtrisent les nouvelles technologies et les autres.
Le Directeur Commercial se doit d’être le régulateur du capital humain de l’entreprise, pour faire progresser ses collaborateurs, à la fois pour répondre à leurs attentes mais aussi pour catalyser la performance globale de l’entreprise et apporter du ROI. Il s’agira de laisser de côté la posture de sachant pour adopter une posture de manager coach, avec bien sûr la performance en dessein ultime. Tel sera son enjeu !
La vente est l’école de la méritocratie : efforts et envie d’avoir un impact seront enfin récompensés. L’acquisition de ces nouvelles compétences bouleverse la vie professionnelle.